- 13 Novembre 2024 - Biodôme : Coulisses du Biodôme, Secrets du Biodôme
La pièce est sombre, remplie de boîtes soigneusement rangées et étiquetées. Nous sommes dans l’une des réserves de la collection d'animaux naturalisés du Biodôme. Plusieurs de ces boîtes ont été acquises tout juste avant le début des travaux de rénovation majeurs du Biodôme et à l’aube de la pandémie. Parmi elles, un lot patrimonial de 1920 a été laissé sur les tablettes, à l’abri de l’agitation.
C’est le moment d’ouvrir et de fouiller en profondeur le contenu de ces boîtes, à la recherche de trésors pour notre prochaine exposition.
Ma collègue Nathanielle , qui documente et archive cette collection, me demande de vérifier l’identification d’un spécimen, un oiseau étrange à gros bec provenant du lot étiqueté « Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal ». On sait que les sulpiciens ont effectué des missions un peu partout dans le monde... C'est très excitant!
De magnifiques trésors
À première vue, l’oiseau d’environ 50 centimètres est poussiéreux et décoloré. Son bec long et épais est terne. Aux yeux des spécialistes d’oiseaux, il n’y a aucun doute : il s’agit d’un calao! Parmi la soixantaine d’espèces possibles, mon instinct me guide vers une espèce forestière d’Indonésie. Après vérification, je confirme la présence d’un calao à cimier dans notre collection. Je n’en reviens tout simplement pas! Nous avons vraiment des bijoux exceptionnels à montrer à notre public.
Renouveler l’exposition permanente
L’exploration des réserves vient de notre intention de renouveler l’exposition permanente, autrefois appelée la salle de découverte Naturalia, qui a été démantelée lors des travaux de rénovation du Biodôme en 2018. Nous souhaitons mettre en valeur les spécimens exceptionnels de notre collection et, en même temps, toucher, émerveiller et informer le public de manière ludique et expérientielle. Par-dessus tout, nous souhaitons montrer les interrelations entre les espèces et leur environnement. L’objectif est ambitieux!
Créer une exposition
Nous avons rassemblé nos experts et expertes en biologie, muséologie, éducation et vulgarisation pour recueillir leurs idées, dont quelques-unes ont été mises à l’épreuve. Au début du projet, notre premier réflexe a été de lister les spécimens incontournables de notre collection, qui en compte environ 5 000. Nous avons regroupé les coraux avec les coquillages, les oiseaux de proie ensemble, les pics par ordre de grandeurs, les fossiles par ancienneté...
Ensuite, nous avons déterminé les étapes cruciales du processus. Quelles sont les espèces incontournables, celles qui feront s’exclamer « WOW » au grand public? Le choix est déchirant : il y a tant de coups de cœur et de trésors.
Nous cherchons un fil conducteur et le scénario de l’exposition. En quoi une espèce influence-t-elle la présence, l’abondance et le comportement d’une autre?
En cherchant à réinventer l’expérience, nous proposons une exposition actuelle constituée des pièces fascinantes. Elle se visite suivant les élans de votre curiosité qui sont guidés par le choix méticuleux des spécimens exprimant la biodiversité dans toute sa splendeur. En tout, 975 spécimens seront exposés, dont 519 coquillages disposés en mosaïque, 32 colibris tropicaux, de nombreux oiseaux de proie, tous les hiboux du Québec ainsi que de nombreux squelettes et ossements.
Parmi ces trésors exceptionnels, nous avons notamment un oiseau du paradis, un lézard volant, un carcajou et un rostre de poisson-scie. Il faut absolument voir le cercopithèque de Brazza, le crabe lithode et la tourte voyageuse!
Et dans tout cela, nous expliquons les connexions fascinantes entre les spécimens. Quel est le point commun entre les coraux et le paresseux à deux doigts? Quel rôle jouent les lemmings dans la vie des harfangs des neiges? Qu’est-ce qui relie le pic maculé au colibri à gorge rubis?
Les dessous de l’expo
Les thèmes abordés dans cette exposition nous ont fait vibrer et nous espérons qu’ils vous captiveront également. Au-delà des spécimens eux-mêmes, d’autres aspects nous ont tout autant passionnés : l’aspect patrimonial de certains spécimens centenaires, les techniques modernes de taxidermie et l’actualisation du projet dans un souci socioécologique.
Devant la tâche colossale de préparer les spécimens, nous avons fait appel à 26 élèves en technique de muséologie, qui ont notamment contribué à remettre en état des spécimens. Cela a ainsi apporté une dimension sociale importante au projet. De plus, une partie du mobilier utilisé a été récupérée à partir d’anciennes vitres ou modules d’exposition provenant de différents musées.
Même avec un scénario de visite et des spécimens restaurés, le travail ne s’arrête pas là. Il faut construire la salle, faire le design des modules et la conception des éclairages, créer les illustrations et adopter une typographie, fabriquer les supports à spécimens... L’exposition a été conçue pour toucher tous les publics, en leur permettant de parcourir la salle à leur rythme afin de gouter à l’émerveillement de ce qui sous-tend l’équilibre du vivant.
Le projet aura pris son temps
La mise en valeur de notre collection naturalisée en valait la peine, même si les obstacles ont été nombreux. C’est avec beaucoup de fébrilité que nous vous invitons, dans les prochaines semaines, à découvrir ce joyau montréalais pour lequel nous avons mis tout notre cœur.
Souhaitons que les étincelles ainsi créées, brilleront pour les années à venir et que ces expériences tisseront les humains un peu plus serrés... avec la nature.
Apprenez-en plus sur l'exposition Une nature tissée serrée.