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Anecdotes de chercheurs et chercheuses : l’aventurière des marais

La biodiversité épatante de ces « écosystèmes serviables » est source de passion et de sensibilisation pour la biologiste Audréanne Loiselle.
Credit: Audréanne Loiselle
The wonderful biodiversity of these “helpful ecosystems” is a source of passion and of awareness-raising for the biologist Audréanne Loiselle.
  • The wonderful biodiversity of these “helpful ecosystems” is a source of passion and of awareness-raising for the biologist Audréanne Loiselle.
  • Audréanne Loiselle in one of her fields of research, a treed marsh (Laval, 2017).
  • Yellow brick road. By often following the same paths in the bogs, beavers create environments conducive to the establishment of ultricularia (bladderworts).
  • Antoine Magnoux, field technician, getting set to install a microphone on a tripod to record singing insects in a bog. This magnificent bog is located at Lac Papineau, on the territory of the Kenauk Nature reserve.
Anecdotes de chercheurs et chercheuses : l’aventurière des marais

Échantillonner la diversité d’un milieu humide, c’est un peu comme participer à Fort Boyard. Pour accéder au terrain de recherche, il faut parfois endurer un soleil de plomb vêtu de pied en cap d’une salopette de pêche, traverser des océans de phragmites, braver des champs de nerprun ou de chardons urticants et surtout… faire attention où l’on pose chaque pied, de peur de s’enfoncer. Qu’à cela ne tienne, ces conditions n'effraient pas Audréanne Loiselle, étudiante-chercheuse au doctorat en écologie sous la co-supervision de Stéphanie Pellerin, chercheuse au Jardin botanique.

En marge de son doctorat, Audréanne saisit chaque occasion pour partager les connaissances et expériences qu’elle cumule les deux pieds dans la sphaigne. Équipée d’un talent de communication hors-norme, elle défendra ses « trous d’eau puante », comme elle les appelle affectueusement, à la finale internationale 2022 du concours Ma Thèse en 180 secondes de l’Acfas le 6 octobre prochain. Savourez cette brève incursion sur le terrain avec cette aventurière des marais!

Le sol qui se dérobe sous ses pieds

Audréanne se remémore les quelques fois où elle a failli être avalée par une tourbière.

Pour me situer, elle m’explique que la structure de la tourbière est créée par l’alternance des plantes qui croissent, meurent et s’accumulent, sans être décomposées, formant une couche de matière organique assez meuble qui s'épaissit avec les années. Coincée entre la forêt et le lac, la portion d’une tourbière en bordure de lac est un peu comme un matelas de boue flottante. Entre deux parcelles d’observation, Audréanne teste chaque pas pour vérifier si le sol cale. Les rares endroits sécuritaires où le sol ne risque pas de se dérober sont formés de talles de plantes, telles que des fougères, qui poussent toujours au même endroit en créant des monticules fiables. Parfois, la jeune scientifique saute d’une petite butte de fougères à une autre. À ses risques et périls!

« Si tu manques ton coup, tu tombes comme dans un trou de bouette. Si par malchance l’eau entre dans ta salopette, bonne chance pour s’en sortir! », rigole-t-elle.

Elle me raconte qu’une fois, l’une de ses jambes s’est enfoncée dans la boue jusqu’à la taille, alors que l’autre est restée au-dessus de la tourbe. Se tenant émergée grâce à un arbuste qui lui servait d’ancrage, elle a finalement pu s’extirper avec l’aide d’une collègue. Cette dernière l’a tirée du pétrin avec le bout d’un quadrat en plastique. À une autre occasion, ses bottes sont restées prises dans la boue par l’effet de succion. Elle me raconte avoir été prise en équilibre debout sur un cartable les pieds nus, à déloger ses bottes enfoncées dans la boue par l’effet de succion… Même en étant bien équipé, les biologistes doivent rester à l’affût. Les milieux humides restent de véritables parcours à obstacles!

Audréanne au pays du magicien d’Oz

« Quand tu es la première personne depuis longtemps à mettre les pieds dans un milieu humide, tu vois des choses qui ne se trouvent pas ailleurs. Tu arrives à voir leur beauté exceptionnelle », me lance Audréanne comme une déclaration d’amour pour son terrain de recherche.

Les milieux humides recèlent une biodiversité unique, étrange et captivante. Les utriculaires, des plantes carnivores indigènes, figurent parmi les favorites d’Audréanne. Leur stratégie de capture des proies est étonnante. Le piège de cette plante est situé sur une tige modifiée qui flotte juste sous la surface de l’eau. Cette tige porte des utricules, des petites capsules sous vide immergées. Lorsqu’un zooplancton passe tout près et chatouille les poils bordant l’ouverture de l’utricule, la porte de la capsule s’ouvre vers l’intérieur. Et hop! L’eau entre d’un coup, entraînant dans le courant le plancton à l’intérieur et refermant la porte du même coup.

Lorsque l’utriculaire est en floraison, on peut la repérer à ses petites fleurs jaunes. Elle s’établit particulièrement bien dans les dépressions des chemins laissés par le passage répété des castors. À l’image de Dorothée dans le magicien d’Oz, l’étudiante-chercheuse longe ces routes de briques jaunes, des yellow-brick road retrouvées uniquement dans les tourbières.

Des écosystèmes serviables

Alors quel est le but de ses expéditions en eau trouble? Le projet d’Audréanne vise à comparer les caractéristiques et les services écologiques de trois types de milieux humides : les tourbières, les marécages dominés par les arbustes et les marécages dominés par les arbres. Chacun des trois types favorise une biodiversité différente. Parfois, c’est la diversité des poissons qui est optimale, d’autres fois ce sont les plantes, les oiseaux ou les amphibiens qui foisonnent. Les services écologiques varient aussi en fonction de la structure végétale du milieu humide. Par exemple, plus l’épaisseur de la tourbe est grande, plus le stockage du carbone est grand. Pour maximiser la conservation des différents services écologiques, il faudrait donc protéger une variété de milieux humides.

« Quand je parle de milieux humides, les gens me jettent souvent un regard perplexe. C’est toujours rigolo de voir leur surprise quand je leur dis qu’il existe plusieurs types de milieux humides. Leur émerveillement quand je leur parle des services écologiques : ça, c’est la partie cool! »

Pour en savoir plus sur Audréanne :

Pour aller plus loin :

Chaque année au mois de novembre, Espace pour la vie présente la Nuit des chercheuses et des chercheurs. Un événement unique qui célèbre la recherche et fait tomber les murs entre les scientifiques et le public! Surveillez notre calendrier pour la prochaine édition du 11 novembre 2022, au Jardin botanique.

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