- 22 Juillet 2022 - Insectarium : Champions de la nature, Expérience, Tête-à-tête
Toute sa vie, Kevin Gauthier a suivi les traces des insectes avec une passion inébranlable. Aujourd'hui étudiant-chercheur à la maîtrise, il me guide dans la nouvelle et rutilante salle de montage de l'Insectarium. Le biologiste me dévoile le fruit de son travail de terrain en ouvrant deux grandes armoires de métal. On y trouve des dizaines de tiroirs entomologiques où sont entassés plus de 5000 spécimens de papillons récoltés sur les sommets montagneux de Gaspésie. L'inventaire dont il est chargé représente une précieuse base de données. Lorsque l'échantillonnage sera répété dans trois ans, les scientifiques auront une base de comparaison qui permettra de mieux comprendre l'impact des changements climatiques sur l'évolution de ces populations de papillons.
Tombé dedans quand il était petit
« Quand j'étais petit, ma mère me disputait parce que je revenais de l'école les poches pleines de vers de terre lors des jours de pluie », me raconte Kevin. Vers l'âge de huit ans, il déménage dans une fermette bordée d'une grande forêt et d'un étang. Un monde s'ouvre à lui! Dès que l'occasion s'y prête, le scientifique en herbe disparaît à l'aube afin d'explorer ruisseaux et sous-bois à la recherche de la microfaune.
Au secondaire, avec le soutien d'un enseignant en sciences, le jeune Kevin réplique l'écosystème d'un étang dans sa classe et fonde un club pour les passionnés d'animaux. Rapidement, la classe devient le refuge d'une foule d'animaux considérés « indésirables », dont des serpents, des mygales et des rats. Pour les nourrir, Kevin cultive un jardin dans une classe avoisinante et démarre un élevage de ténébrions. La même année, il découvre la recherche scientifique lors d'un stage d'initiation d'une semaine à l'Institut national de la recherche scientifique en compagnie de la chercheuse Narin Sri. Ainsi se confirme son désir de poursuivre son parcours académique en science.
Des montagnes et des papillons
Pendant son baccalauréat en environnement à l'Université Laval, la pandémie frappe et les cours à distance s'imposent. Kevin saisit l'occasion et part travailler comme scientifique indépendant au Nicaragua tout en poursuivant ses études à distance. Il alterne les contrats entre le Nicaragua et le Québec. Une opportunité se présente au Québec afin d'assister une étudiante de Maxim Larrivée, chercheur et directeur de l'Insectarium. C'est ainsi que les deux mordus de papillons se rencontrent et la collaboration fait mouche, débouchant sur un projet de maîtrise.
Deux ans plus tard, les récoltes sur le terrain sont bouclées. Parmi les milliers de papillons capturés sur les montagnes gaspésiennes, plus de 300 espèces ont été identifiées. Kevin me confie que la plupart des espèces sont rares ou leur répartition était jusqu'alors inconnue.
Armé de patience et de minutie
Échantillonner des papillons en terrain montagneux au Québec n'est pas de tout repos. « Le vent glacial, la pluie, les mouches et les ampoules peuvent jouer sur le moral. Rester scientifiquement rigoureux avec sa journée dans le corps et les pieds en sang est probablement un des plus gros défis du travail », raconte Kevin.
Des aléas comme une simple crevaison prennent des proportions lorsqu'on est loin de la ville. Au retour d'une ronde d'échantillonnage sur un chemin particulièrement pentu, Kevin remarque deux crevaisons sur son véhicule de location. Une fois la gestion de l'accident passée et plusieurs jours de récolte perdus dû à l'absence de moyen de transport, Kevin retourne au refuge et réalise qu'il a laissé ses spécimens de papillons sur le comptoir au lieu de les ranger au congélateur, mettant en péril l'intégrité des spécimens qui peuvent être attaqués par des parasites ou des moisissures. Il s'affaire donc à nettoyer méticuleusement toutes les traces de moisissures en passant délicatement un pinceau trempé d'alcool sur chaque spécimen. Un labeur essentiel qui sauve sa récolte et les données qu'elle recèle.
Ce qu'il y a de plus fastidieux dans son travail, c'est sans aucun doute la préparation d'étiquettes de données. Par exemple, pour chacun des 5000 papillons récoltés, une minuscule étiquette est créée pour l'identifier. On y retrouve des informations sur la date de récolte et la méthode de capture utilisée par l'échantillonneur.euse, la localité, les coordonnées GPS, l'habitat, l'altitude. Puis, suite à l'identification, sont ajoutés le nom de l'espèce, le nom de celui ou celle qui l'a identifié et la date! Toutes ces données sont colligées et chacun des petits carrés est imprimé et scrupuleusement placé sur l'aiguille sous chaque insecte.
De toute évidence, ces aspects moins aventureux de la recherche ne freinent pas l'enthousiasme contagieux de l'étudiant-chercheur. « Chaque été, je suis payé pour me promener en nature et attraper des insectes. C'est juste trop trippant. L'enfant en moi serait fier de l'adulte que je suis devenu! »
Parions que le parcours de ce scientifique n'en est qu'à ses débuts.
Pour aller plus loin
Pour en savoir plus sur la recherche à l'Insectarium.
Découvrez le parcours inspirant de Kevin Gauthier dans une BD illustrée par Iris Boudreau.
Chaque année au mois de novembre, Espace pour la vie présente la Nuit des chercheuses et des chercheurs, un événement unique qui célèbre la recherche et la rend accessible autant aux plus petits qu'aux plus grands.
Vous n'avez pu y assister?
Visionner la rediffusion du talk-show « En terrain inconnu » de l'édition 2021 qui s'est déroulée au Biodôme de Montréal.
Bonjour , je lis vos articles si intéressants et je note que le papillon colibris sphinx serait au Canada et aux Etats Unis. Depuis quelques années j'en trouve au jardin dans l'Yonne où je demeure. Ils sont, selon mon comptage, entre 6 ou 8 et butinent les fleurs des "belles de nuit" dont ils raffolent. Par erreur, il leur arrive d' entrer dans la maison et se posent sur les poutres ou sur le bord de fenêtre où ils restent fixé leur vol rapide est arrêté , ils ne bougent plus. Ce qui m'a permis de les observer. Certains font plus que la longueur de mon index soit plus de 4 cm. Il y a deux jours j'ai dû en secourir un qui, fixé sur le bord du velux, dans la chambre, attendait sa libération. J'ai pu, avec une feuille de papier , le récupérer puis le remettre dehors il faisait nuit. En fait, j'ai dû l'attraper avec précaution par une aile car il restait agrippé à la feuille. Ses petites griffes accrochent bien. Je pense qu'il a rejoint ses collègues.
Cordialement. DANIELLE