- 6 Septembre 2016 - Jardin botanique : Expérience
Dans le cadre d’un cours universitaire portant sur le thème « Ethnologie et environnement » dispensé à l’Université de Montréal, j’ai cherché un endroit où expérimenter ce dont nous parlions en cours, à savoir la spécificité des liens qu’une population entretient avec son environnement. Le Jardin des Premières-Nations m’est apparu comme un choix judicieux, c’est pourquoi en 2014, un partenariat a été mis sur pied avec Sylvie Paré, agente culturelle du Jardin des Premières-Nations. Ceci a permis d’amener les étudiants des différentes cohortes afin qu’ils puissent expérimenter, en immersion, l’importance de se départir de leurs propres représentations et d’être attentifs à ce que d’autres peuvent voir et sentir. Des questions fondamentales sont ainsi abordées : que l’idée de nature n’est pas une évidence, que les Autochtones voient la forêt à travers des lunettes spécifiques, que l’image de l’Autochtone écologique peut être lourde à porter.
Avant tout, une rencontre
Loin des salles de cours, cet apprentissage se fait dans la rencontre.
Une rencontre avec le Jardin des Premières-Nations d’abord, un lieu où il fait bon se rendre à l’automne pour se promener et s’écarter – un peu – de la ville et de l’université, une réalisation botanique, architecturale et politique aussi dont le résultat apparaît si « naturel ».
Également une rencontre avec ceux qui font le Jardin, Sylvie Paré, Stefano Viola, jardinier depuis les débuts, et enfin les animateurs. Depuis trois ans, notre guide est Sylvain Verreault, animateur innu qui a vu le Jardin se révéler. Sa présence, ses propos sont essentiels : il nous fait entrevoir le Jardin autrement.
La nature sans clichés
D’un écosystème à l’autre, des érablières à la pessière, puis à l’espace arctique, Sylvain prend le temps de s’arrêter, d’expliquer. Par touches successives, il nous parle de ses expériences dans le bois, il relate l’opinion des aînés et nuance ses propos en les contrastant en fonction des Premières Nations. Ce faisant, il nous dit ce que le bois représente pour lui et les siens. En même temps, il met les étudiants en garde contre les clichés, montre la diversité des peuples autochtones du Québec et explique qu’il n’est pas un gardien de la nature.
« Chez nous »
Et le message passe plus efficacement qu’en classe! S’asseoir sur un lit de branches d’épinettes, en sentir le confort et l’odeur tout en découvrant des pans de l’histoire de Sylvain, de son enfance dans le bois, de l’importance pour lui d’aller s’y ressourcer m’apparaît relever du privilège. Avec une incroyable générosité, il nous fait entrevoir le bois à travers ses yeux et sollicite nos autres sens : l’odorat, le toucher. En tant qu’enseignante, cette visite est un moment essentiel, non seulement du point de vue pédagogique, mais aussi relationnel.
Voici également un espace où les termes habituels de la rencontre entre Autochtones et non Autochtones sont quelque peu modifiés : le visiteur a fait un bout de chemin pour venir « dans le bois », l’animateur l’accueille et l’accompagne « chez nous », et cela permet de jeter les bases d’un dialogue plus serein.