- 3 Décembre 2013 - Jardin botanique : Secrets des plantes
Le 10 juillet dernier naissait sur notre tubercule d’Arum titan (Amorphophallus titanum) un bourgeon. Ce n’est qu’environ un mois plus tard qu’on a pu confirmer que ce bourgeon n’était pas l’habituel bourgeon végétatif responsable de l’unique immense feuille que produit typiquement notre spécimen. C’était plutôt le bourgeon floral d’une des espèces produisant les plus grandes inflorescences du monde végétal.
La floraison débute pour l’Arum titan
En octobre, l’inflorescence en développement avait atteint 30 cm et vers la fin du mois l’allongement du spadice avait atteint un rythme d’environ 2,5 cm par jour. Le plant se portait à merveille et la croissance paraissait normale, quoique plus lente que les mentions documentées ailleurs dans d’autres jardins. Le 6 novembre, la décision fut prise de présenter notre phénomène au grand public, impliquant son transfert dans la serre d’exposition des aracées.
Une infection soudaine
Depuis l’apparition du bourgeon en juillet, il s’était écoulé près de 4 mois. Généralement, l’espèce complète son cycle reproductif en deux mois. La décision fut prise d’augmenter la température dans la serre des aracées. Au cours des semaines suivantes, quelques signes présageaient une maturité prochaine de l’inflorescence. De légers effluves nauséabonds furent détectés et la base de la spathe s’était considérablement distendue. Malheureusement, le spadice organe moite, commençait à montrer des signes d’infection dans sa partie supérieure. Cette infection s’est rapidement traduite en nécrose importante menaçant l’intégrité même de cette structure. Était-ce là un signe que la dégénérescence de notre inflorescence s’était amorcée avant que le cycle reproductif ait pu se compléter, comme cela semble se produire parfois, ou était-ce là tout simplement une simple infection du spadice n’ayant aucune incidence sur le bon déroulement de la reproduction?
Retour à la serre de production
Avec un retard de 2 mois et demi par rapport à la moyenne pour le développement de l’inflorescence, et en l’absence d’un déploiement imminent de la spathe, la décision fut prise de retirer le spécimen de la serre d’exposition. Dans la journée du mardi 26 novembre, l’Arum titan fut reconduit à la serre de production du Jardin botanique afin de permettre un suivi plus intensif de la part de l’équipe de l’horticulture. C’est au cours de la soirée même, et à la surprise générale que le spadice a entrepris son stade de thermogénèse (production de chaleur) annonçant que les fleurs femelles étaient prêtes à la fécondation. Le spadice, déjà fortement nécrosé, s’est par la suite incliné, pour finalement plier. Une craquelure était nettement visible sur le spadice. 24 heures après, et tel que prévu, c’était au tour des fleurs mâles d’atteindre leur maturité, résultant en une production abondante de pollen. Le cycle floral s’est donc tout juste complété malgré le déploiement inachevé de la spathe. L’inflorescence avait atteint une hauteur de 136 cm et un diamètre de 74 cm.
Un repos bien mérité
Notre inflorescence a été déposée dans la collection de l’herbier Marie-Victorin du Centre sur la biodiversité de l’Université de Montréal situé au Jardin botanique de Montréal. Le tubercule entamera une période de dormance bien méritée puis, au printemps, il sera nettoyé et rempoté. S’ensuivra ensuite une série de cycle de production de feuilles suivi de périodes de dormance étalées sur plusieurs années. Le prochain événement pourrait avoir lieu dans 3 à 7 ans, ou peut-être plus, le temps que l’Arum titan rassemble suffisamment d’énergie pour entreprendre une nouvelle et spectaculaire floraison. On ne peut expliquer pourquoi le développement de l'inflorescence du Jardin s'est si longuement étiré. Sous un climat nordique comme le nôtre, la période d’ensoleillement est présentement beaucoup plus courte que la période de noirceur. Ceci aurait pu ralentir le développement de l'inflorescence. L’Arum titan, originaire de l’île de Sumatra en Indonésie vit sous un régime de luminosité avec des jours et des nuits d’égale longueur. Reste aussi à déterminer la température, le taux d’humidité et de luminosité qui auraient été optimaux. Malgré tout, la plante donnait tous les signes d’une croissance normale. Nous sommes en présence d’un phénomène naturel que l’humain ne contrôle pas, malgré toute sa bonne volonté, mais le Jardin botanique sort enrichi de connaissances sur la culture de cette merveilleuse espèce des tropiques.
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