- 11 Juillet 2016 - Biodôme : Recherche scientifique
Nathalie Rose Le François est à la base Palmer en Antarctique jusqu’au 19 août 2016. Pendant cinq mois, elle mène des travaux de recherche sur le perfectionnement des méthodes de reproduction, d’incubation et d’élevage larvaire chez des espèces de poissons des glaces de l’Antarctique. Cette troisième mission au pôle Sud en compagnie de différents spécialistes lui permet d’observer de près la vie et les changements du continent de glace.
Les bruits sourds provoqués par les craquements, puis l’effondrement de gros fragments de la paroi du glacier Marr résonnent régulièrement aux alentours de la station de recherche scientifique Palmer. L’inexorable retrait du glacier, recensé depuis les cinquante dernières années, a récemment laissé place à une nouvelle île près du glacier, qui sera nommée en l’honneur de mon collègue américain, le Dr Detrich, avec qui je collabore depuis 2013.
S.O.S. Antarctique
La stabilité climatique légendaire du continent et des eaux côtières de l’Antarctique, qui a permis l’essor de communautés biologiques isolées et uniques au monde, est désormais en péril. Depuis 1950, la température moyenne en saison hivernale a augmenté de 6 °C, la hausse la plus rapide de la planète. Le réchauffement climatique a entraîné une réduction de 40 % de la couche de glace le long des côtes de la péninsule Antarctique et a écourté sa durée de 80 jours par année. Les populations de krill, un maillon élémentaire de la chaîne alimentaire antarctique pour plusieurs espèces de baleines, de manchots et de poissons, sont particulièrement vulnérables à cet amenuisement de la couche de glace, essentielle à leur survie et à leur reproduction.
Trop mince, la carapace
Les changements climatiques entraînent également l’apparition d’espèces envahissantes de crustacés. Or, de nombreux mollusques et autres invertébrés de l’Antarctique ne possèdent aucune protection contre ces envahisseurs. Des millions d’années d’isolement à l’abri des crustacés broyeurs n’ont pas encouragé la présence d’espèces dotées d’épaisses coquilles ou carapaces. Le réchauffement climatique crée une brèche dans la barrière physiologique qu’est le froid intense, qui limitait autrefois la présence de prédateurs en Antarctique.
À chaque manchot son couvert de glace
Les manchots sont des espèces très sensibles aux changements dans l’écosystème. La variabilité de l’environnement marin s’intègre dans leur cycle de vie à cause de leur longévité et de leurs vastes distributions géographiques. Depuis 1994, on trouve trois espèces de manchots aux alentours de la station Palmer : le manchot Adélie, le papou et le manchot à jugulaire. Quoique très proches génétiquement, ces espèces ont des préférences d’habitat fort différentes. Le manchot Adélie, espèce la mieux adaptée aux conditions de l’Antarctique originel, recherche la présence de glace en saison hivernale, alors que les deux autres espèces l’évitent. À Palmer Station, on observe une tendance lourde du déclin des populations de manchots Adélie, mais un accroissement des indices d’abondance des manchots à jugulaire (apparus en 1976) et papous (apparus en 1994).
Des relations complexes sont en jeu et l’environnement de la péninsule Antarctique est soumis à des niveaux de variabilité écologique et climatique sans précédent, qui méritent toute notre attention et la poursuite de travaux de recherche.