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Observation inusitée de tumeurs chez des poissons de l’Antarctique

L’Antarctique est dorénavant l’endroit sur la Terre qui affiche les changements de climat les plus rapides.
Credit: Thomas Desvignes
L’Antarctique est dorénavant l’endroit sur la Terre qui affiche les changements de climat les plus rapides.
  • L’Antarctique est dorénavant l’endroit sur la Terre qui affiche les changements de climat les plus rapides.
  • Trematomus scotti présentant d’étranges et larges tumeurs sur la peau.
  • Nathalie Rose Le François lors de ses recherches en Antarctique.
  • Nathalie Rose Le François lors de ses recherches en Antarctique.
Observation inusitée de tumeurs chez des poissons de l’Antarctique

L’océan Austral qui entoure le continent antarctique a toujours été très stable et extrêmement froid depuis plusieurs millions d’années. Une faune unique hautement spécialisée s’y est adaptée et installée au cours de l’évolution. Cependant, l’Antarctique est dorénavant l’endroit sur la Terre qui affiche les changements de climat les plus rapides. La température qui s’élève entraîne la fonte des glaciers à un rythme accéléré, contribuant ainsi à l’élévation de la température des eaux profondes et à la diminution de la salinité. Cet écosystème unique est désormais de plus en plus instable et la faune aquatique de l’Antarctique est particulièrement vulnérable à ces stress environnementaux sévères et chroniques. Et comme si tout cela ne suffisait pas, la communauté scientifique suggère maintenant que les changements climatiques pourraient également favoriser l’émergence et l’éclosion de maladies.

Dans un point chaud de biodiversité de la péninsule Antarctique Ouest, une équipe scientifique de la Station Palmer, dont je fais partie depuis 2013, effectue des recherches à bord du navire brise-glace RV Laurence M. Gould. Pendant des pêches expérimentales nocturnes, nous avons capturé dans la baie Andvord un nombre anormalement élevé d’une espèce de poissons notothénioïdes, le Trematomus scotti, qui présentaient d’étranges et larges tumeurs sur la peau. Nous n’avions jamais rapporté ce phénomène lors d’activités de pêche dans ce secteur au cours de nos missions antérieures.

L’origine des tumeurs

La première piste envisagée par mon collègue et responsable de l’étude, le Dr Thomas Desvignes (de l’université de l’Oregon), était que la maladie était d’origine virale. Cependant, des analyses moléculaires et tissulaires plus poussées sur les échantillons conservés ont par la suite confirmé une origine parasitaire. Le grand responsable est un parasite alvéolé des cellules x, nommé Notoxcellia, jamais observé auparavant. Les individus atteints de ces tumeurs étaient en général plus émaciés (maigres) et de taille plus petite que ceux en bonne santé. Nous ignorons encore beaucoup de choses sur ce parasite et sur cette maladie, mais à ce stade-ci, il n’est pas exclu que cette éclosion se répande dans les autres populations de T. scotti, qu’elle s'étende géographiquement et affecte d’autres espèces de poissons de l’Antarctique. Par ailleurs, si on considère les environnements polaires (l’Arctique et l’Antarctique) comme étant les plus vulnérables, car aux premières loges des changements climatiques, on peut fort bien imaginer que ce phénomène pourra éventuellement se produire ailleurs sur le globe. Cette découverte est rapportée dans un récent article paru dans iScience1.

Une jeune artiste du nom de Chloe DaMommio a créé une bande dessinée racontant le parcours de cette grande découverte : « Une mystérieuse maladie chez des poissons de l'Antarctique ».

1 Desvignes, T., H. Lauridsen, A. Valdivieso, R. Fontenele, S. Kraberger, K.N. Murray, N.R. Le François, W.H. Detrich, M.L. Kent, A. Varsani and J.H. Postlethwait 2022. A parasite outbreak in notothenioid fish in an Antarctic fjord. IScience doi.

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