- 11 Septembre 2014 - Biodôme : Expérience
Retour à la base
La traversée du passage de Drake s’est déroulée calmement et a été ponctuée d’épais brouillards. À mon arrivée à Palmer Station (64,77 °S, 64,05 °O île d’Anvers) après cinq jours en mer et depuis mon poste au deuxième pont, je reconnais quelques visages familiers parmi les gens qui s’affairent aux manœuvres d’accostage. Je suis ici pour la seconde fois afin de contribuer à des recherches sur les effets des changements climatiques (élévation de la température) sur la reproduction des poissons de l’Antarctique.
À bord du Laurence M. Gould
Des activités de pêche sont prévues quelques jours après notre arrivée, et d’autres suivront. Au total, notre groupe s’est vu allouer 16 jours de pêche. Je ne serai pas de l’équipage lors des deux premières sorties puisque je dois assurer la mise en place du montage expérimental et veiller aux opérations. Mon tour viendra. Je ferai partie de l’expédition au cours de laquelle une activité d’installation de bornes GPS à Prospect Point sera jumelée à nos activités, ce qui signifie que mes pieds fouleront le continent Antarctique! Ma seconde sortie se déroulera au-dessus de la Banana Trench (où l’on enregistre des profondeurs moyennes de 1000 mètres), alors que nous serons à la quête d’espèces plus rares qui fréquentent ces abysses : les grenadiers, certaines espèces de poissons des glaces et des Artédidraconidés. Ces poissons seront échantillonnés et identifiés, en lien avec l’établissement d’une banque génétique à laquelle notre équipe contribue.
Le temps qui passe…
J’ai complété 65 % de mon séjour à la base de Palmer : je fais le décompte régulièrement depuis l’atteinte du cap de 50 %. Ma santé va bien, je prends mes suppléments de vitamine D, fréquente le gym et mon moral est au beau fixe. Je pratique la planche à neige sur le glacier dans la cour arrière, tâte de l’harmonica et suis des cours d’initiation à la valse lorsque des journées de congé sont décrétées, ce qui est plutôt rare. Depuis l’émergence du couvert de glace, je me sens paradoxalement en captivité dans l’immensité. Les sorties en mer sont terminées depuis un bon bout de temps à cause des glaces et/ou des grands vents.
Le bilan de ma présence au sein de l’équipe scientifique me satisfait puisque nous avons produit plusieurs familles de bocasse noire (Nothothenia coriiceps) et que la plupart se sont révélées performantes aux deux niveaux de traitement de température (>0 ºC et 4 ºC). Mon rôle principal ici est d’assurer le bon déroulement des étapes critiques du développement embryonnaire et de bien arrimer les échantillonnages. Le Dr Detrich procèdera plus tard à l’évaluation de l’expression de certains gènes, en lien avec la chorégraphie complexe qu’est l’organogénèse chez les êtres vivants (voir photo), et surtout, il pourra déduire de quelle façon l’élévation de la température appréhendée en relation avec les changements climatiques affectera ces mécanismes chez les espèces endémiques (c’est-à-dire particulières ou exclusives à une région, un continent, un territoire) que nous étudions. Ces stades sont : la division cellulaire (2, 4, 8, 16, 32, 64 cellules etc.), l’apparition de l’axe embryonnaire, la formation et la pigmentation des yeux, le début des battements du cœur, la formation et le déploiement des nageoires, la contraction musculaire, la formation des os… Je me sens toujours privilégiée d’être aux premières loges (voir photo)! Un élément à retenir : tout se déroule pas mal plus lentement dans le froid…