- 11 Novembre 2020 - Biodôme : Actualités environnementales, Coulisses du Biodôme, Expérience, Recherche scientifique
La pêche commerciale de la tanche pourrait aider à contrôler l'invasion de cette espèce dans le fleuve Saint-Laurent et profiterait… aux animaux du Biodôme!
L’invasion de poissons exotiques dans nos cours d’eau peut affecter la qualité de l’eau et des habitats, les cycles des nutriments, la quantité de contaminants, la biodiversité et la productivité des plans d’eau via une grande variété de mécanismes allant de la disruption trophique, à la transmission de maladies. La tanche (Tinca tinca), un poisson d’eau douce, est un cyprinidé originaire de l’Europe et de l’Asie qui a été introduite à plusieurs endroits dans le monde pour l’aquaculture et la pêche sportive. Ce poisson se régale d’une variété d’animaux : zooplancton, insectes, amphipodes, écrevisses, gastropodes et petits bivalves. La tanche peut même occasionnellement se nourrir de plantes aquatiques. C’est une espèce extrêmement robuste qui prolifère tout autant dans l’eau riche ou pauvre en oxygène, douce ou saumâtre, chaude ou froide, polluée ou propre, dynamique ou stagnante, acide ou basique. Elle est également une espèce très féconde et prolifique, ce qui lui confère un énorme potentiel de bouleversement écologique.
Une espèce trop prolifique
L’arrivée de la tanche au Québec remonte à 1986 avec des spécimens importés illégalement d’Allemagne. Quelques années après, en 1991, le poisson a été relâché illégalement dans la rivière Richelieu. La tanche s’est alors propagée lentement durant les premières années et son abondance dans les pêcheries au lac Saint-Pierre s’est accrue rapidement au cours des dernières années. Une des grandes victimes locales pourrait être le chevalier cuivré (Moxostoma hubbsi), une espèce unique au Québec et désignée menacée en vertu de la Loi québécoise sur les espèces menacées et vulnérables et en voie de disparition selon la Loi canadienne sur les espèces en péril. La rivière Richelieu abrite les seules aires connues de reproduction, d’alevinage et de croissance des juvéniles de chevalier cuivré1.
La tanche se répand dorénavant dans le fleuve Saint-Laurent et ses principaux tributaires et poserait, selon des chercheurs canadiens2, une menace réelle d’invasion dans les Grands Lacs. Depuis 2001, les observations de tanche sont de plus en plus fréquentes et nombreuses dans le corridor fluvial du Saint-Laurent, particulièrement au Lac Saint-Pierre3 où la population de perchaudes s’y est effondrée et un moratoire sur la pêche commerciale et sportive à la perchaude y est en vigueur depuis 2012. La présence de la tanche a été évoquée comme étant l’un des nombreux facteurs pouvant contribuer à ralentir le rétablissement de la perchaude4. La mise en place d’interventions visant à prévenir ou ralentir la dispersion naturelle de cette espèce est indispensable.
L’Association des pêcheurs commerciaux du lac Saint-Pierre (APCLSP) et le Ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs (MFFP) de même que le Ministère de l’Agriculture des pêches et de l’alimentation (MAPAQ) évaluent le potentiel de la pêche commerciale à la tanche comme outil de gestion. La biomasse potentielle de captures est estimée entre 20 à 30 TM annuellement selon l’APCLSP. La chair de ce poisson est blanche et a bon goût, mais ce produit est difficile à commercialiser dans le marché de l’alimentation, puisque la peau de la tanche est coriace et que sa chair contient beaucoup d’arêtes. Une solution alternative a donc été proposée, soit d’utiliser la tanche pour nourrir les populations de poissons et d’animaux des zoos et des aquariums. Le Biodôme collabore depuis peu à ce projet et devrait réaliser des essais chez les pensionnaires qui démontrent déjà une préférence pour le poisson. En collaboration avec l’APCLSP et le MFFP, un premier arrivage de 100 kg de tanches congelées a été acheminé au Biodôme de Montréal.
Ce projet-pilote pourrait, s’il s’avère concluant, soutenir :
- la gestion d’une population d’une espèce envahissante,
- la préservation d’une activité historique de pêche commerciale,
- l’utilisation d’une ressource nutritionnelle locale et peu exploitée pour l’alimentation des populations animales du Biodôme de Montréal.
En collaboration avec le MFFP et l’APCLSP, ce projet sera sous la supervision d’une équipe du Biodôme constituée de vétérinaires, techniciens animaliers et préposés aux collections aquatiques et d’une équipe de recherche en physiologie et aquaculture de la conservation.
Sources
1 MPO (Ministère des Pêches et des Océans Canada). 2011.
Avis sur la désignation de l’habitat essentiel du chevalier cuivré (Moxostoma hubbsi). Secrétariat canadien de consultation scientifique du MPO, Avis scientifique 2010/072, Ottawa, 12 p.
https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/Library/342644.pdf
2 Avlijas, S., A. Ricciardi, N. Mandrak. 2018.
Eurasian tench (Tinca tinca): the next Great Lakes invader. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences. 75: 169-179.
3 Masson, S., Y. de Lafontaine, A.-M. Pelletier, G. Verreault, P. Brodeur, N. Vachon, H. Massé. 2013.
Dispersion récente de la tanche au Québec. Le Naturaliste Canadien 137 : 55-61
4 Magnan, P., P. Brodeur, É. Paquin, N. Vachon, Y. Paradis, P. Dumont, T. Mailhot. 2017.
État du stock de perchaudes du lac Saint-Pierre en 2016. Comité scientifique sur la gestion de la perchaude du lac Saint-Pierre. Chaire de recherche du Canada en écologie des eaux douces, Université du Québec à Trois-Rivières et ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. vi + 34 pages + annexes.
Pour la Tanche, vous devriez faire des bacs de récupération l'hiver à l'écluse de Saint-Ours. Ils y sont par centaine l’hiver à cet endroit et beaucoup les laissent sur la glace mourir étant une espèce envahissante. Au moins, la viande serait valorisée et non perdue.
Merci, nous avons soumis votre suggestion à qui de droit.