- 23 Novembre 2016 - Biodôme : Recherche scientifique
Nathalie Rose Le François a participé à une mission à la base Palmer en Antarctique jusqu’au 19 août 2016. Pendant cinq mois, elle a mené des travaux de recherche sur le perfectionnement des méthodes de reproduction, d’incubation et d’élevage larvaire chez des espèces de poissons des glaces de l’Antarctique. Cette troisième mission au pôle Sud en compagnie de différents spécialistes lui a permis d’observer de près la vie et les changements sur le continent de glace.
Ma troisième présence sur la péninsule Antarctique est terminée. C'était la dernière saison à Palmer Station (É.-U.), dans le cadre des travaux de William Detrich (Northeastern University, Boston) et de John Postlethwait (University of Oregon, Eugene). Ils étudiaient les effets de la température sur le développement embryonnaire de deux espèces de poissons : la bocasse noire (Notothenia corriiceps) et le grande-gueule (Chaenocephalus aceratus), un fier représentant des poissons des glaces.
Des techniques qui se raffinent
Après plusieurs saisons expérimentales, nous avons réussi à grandement améliorer les techniques pour capturer en mer des poissons géniteurs de ces espèces – et particulièrement la bocasse noire – et les maintenir en captivité. Un article décrivant le développement embryonnaire chez la bocasse noire a d'ailleurs été récemment publié par notre groupe dans la revue scientifique Developmental Dynamics (Embryogenesis and early skeletogenesis in the Antarctic Bullhead notothen, Notothenia coriiceps, Postlethwait et al. 2016).
Un cas difficile
Dans le cas du poisson des glaces, la capture et la captivité de femelles prêtes à pondre sont encore particulièrement éprouvantes et jusqu'ici, aucune n’a survécu assez longtemps pour pondre des œufs fertiles. Un article soumis en octobre 2016 à la revue Polar Biology relate les techniques de capture et de conditionnement en captivité de ces femelles, et explore des alternatives en zootechnie, soit l'ensemble des sciences et techniques utilisées dans l'élevage, la sélection et la reproduction des animaux, pour améliorer leur survie (Characterization and husbandry of wild broodstock of blackfin icefish Chaenocephalus aceratus (Lönnberg 1906) from Palmer Archipelago (Antarctic Peninsula) for breeding purposes, Le François et al. 2016).
Vite, un plan B!
Contre toute attente, en 2016, une femelle grande-gueule a produit quelque 25 000 œufs viables! Contrairement aux années précédentes, tous les mâles C. aceratus que nous avions en bassin étaient immatures et inaptes à la fertilisation des précieux œufs. Pourquoi? Il arrive souvent que, dans une zone de capture, l'un des deux sexes soit absent, ce qui déséquilibre le ratio mâles/femelles et complique les activités de fécondation. Nous avons donc mis au point un plan B dont nous sommes très fiers : produire in extremis un hybride par le croisement de deux espèces de poissons des glaces : des mâles Chionodraco croisés avec des femelles Chaenocephalus. Cet hybride présentait un mélange des caractéristiques génétiques des deux parents.
Une grande première
Contre toute attente, les premières divisions cellulaires ont été observées après 48 heures : 2, 4, 8, 16, 32, 64… 250 jours plus tard, les larves sont actuellement en éclosion à la base Palmer. Selon nos sources, il s’agirait d’une première mondiale!
On évoque déjà la possibilité d’une participation du Biodôme de Montréal, en 2018, à un autre projet en lien avec les changements climatiques et la conservation de la biodiversité en Antarctique. Une excellente nouvelle!