Un impact imminent
Le 12 février 2023, l’astronome hongrois Krisztián Sárneczky observe le ciel depuis la station Piszkéstető de l’observatoire Konkoly. Aux alentours de 20 h 18 UT, il découvre un petit astéroïde qui semble se rapprocher de la Terre. La proximité de l’objet, alors situé à 233 000 kilomètres de notre planète (soit environ 0.61 fois la distance entre la Terre et la Lune), pousse l’observateur à signaler sa découverte au Centre des Planètes Mineures (MPC) et à demander un suivi supplémentaire de l’astéroïde.
De nombreux observatoires autour du globe se mobilisent donc pour observer l’astéroïde. Quarante minutes après sa découverte, l’observatoire de Višjnan en Croatie confirme la possibilité d’un impact imminent. Le Centre de Coordination des objets géocroiseurs de l’Agence Spatiale Européenne (ESA NEOCC) déploie quant à lui une stratégie inédite de suivi de l’astéroïde, qui lui permet de déterminer la position et l’heure de l’impact avec une précision inégalée. 2023 CX1 pénètrera dans l’atmosphère près des côtes françaises le 13 février à 3h UT, sept heures après sa découverte.
Heureusement, le petit astéroïde d’environ un mètre de diamètre ne pose aucun danger pour la population. Au contraire, il offre l’opportunité inédite d’observer sa désintégration dans l’atmosphère avec précision, voire même de retrouver certains des fragments produits (des météorites) sur le sol. Le phénomène est extrêmement rare ; dans l’histoire de l’humanité, seules sept collisions avec des astéroïdes ont été prédites grâce à des observations télescopiques.
L’ESA encourage donc la population à observer l’évènement. La nouvelle est vite relayée par les équipes des réseaux FRIPON et Vigie-Ciel1, qui incitent les habitant.e.s à observer et photographier l’évènement. Grâce à ces appels, de nombreux·ses observateur.trices ont été en mesure de confirmer la rentrée atmosphérique de l’astéroïde à 2 h 59 UT le 13 février.
A la recherche des météorites
De nombreuses images, vidéos et témoignages visuels du phénomène ont été envoyées aux scientifiques depuis la France, l’Angleterre, l’Allemagne et les Pays-Bas. L’analyse de ces observations et des images capturées par le réseau de caméras FRIPON, ont permis aux astronomes de comprendre que plusieurs météorites étaient tombées à l’ouest de la France, en Normandie. Grâce aux efforts conjugués de chercheur.e.s situé.e.s au Canada, en France, en République tchèque, en Australie et aux États-Unis, une ellipse de chute a pu être déterminée près des communes d’Angiens et de Saint-Pierre-le-Viger.
Les équipes FRIPON/Vigie-Ciel se sont rendues sur la zone de chute moins de 24 heures après l’évènement. Une première équipe de chercheur.e.s et d'amateur.rice.s passionné·e·s ont exploré rapidement le terrain, permettant de retrouver un premier fragment de l’astéroïde seulement deux jours après sa chute2. Au cours des semaines suivantes, plus de 60 fragments de l’astéroïde ont été retrouvés, représentant une masse excédant 1.3 kg. La météorite, une chondrite ordinaire de type L5-6, a reçu le nom de Saint-Pierre-le-Viger (SPLV)3. Grâce à la rapidité exceptionnelle des équipes de recherche, des fragments de la météorite ont été envoyés dans plusieurs laboratoires européens avant d'être significativement contaminées par l’environnement terrestre.
Une collaboration exceptionnelle
L’histoire de 2023 CX1, depuis sa découverte dans l’espace jusqu’à l’analyse des météorites trouvées en Normandie, est avant tout un exemple de persévérance et de coopération internationale.
La découverte de l’astéroïde et le suivi de sa trajectoire dans l’espace n’ont été rendus possibles que grâce aux efforts constants d’astronomes professionnels et amateurs, qui scrutent le ciel à la recherche d’astéroïdes géocroiseurs. La communication efficace des agences spatiales et de FRIPON/Vigie-Ciel a permis d’alerter la population avec plusieurs heures d’avance, favorisant la collecte de nombreux enregistrements photographiques et vidéo du bolide dans l’atmosphère. Ces images, analysées conjointement par des chercheur·e·s de plusieurs pays, ont permis de déterminer la zone de chute des fragments de l’astéroïde en un temps record.
Grâce à la mobilisation de son réseau, l’équipe FRIPON/Vigie-Ciel a pu se rendre rapidement sur place pour communiquer avec les habitant·e·s, obtenir les autorisations d’explorer la région, et effectuer les premières recherches sur le terrain. Avec l’aide de nombreux·ses bénévoles, une première météorite de Saint-Pierre-le-Viger a été retrouvée après quelques heures de recherche. C’est la première fois qu’une météorite trouvée pendant une campagne de recherche (et que personne n’a vue ou entendue tomber près de lui) est envoyée aussi rapidement pour analyse dans un laboratoire, en la préservant des altérations liées à l’environnement terrestre.
Création du Consortium 2023 CX1
Aujourd’hui, la collaboration internationale entre chercheurs et passionnés se poursuit pour l’étude de cette chute exceptionnelle. Au cours de l’histoire, seulement trois astéroïdes découverts avant d’entrer en collision avec la Terre ont produit des météorites que l’on a retrouvées. Et un seul a été scruté avec précision à la fois dans l’espace, dans l’atmosphère, et dans des laboratoires : 2023 CX1.
Afin de reconstruire l’histoire de ce petit astéroïde, nous avons créé le Consortium 2023 CX1, un groupe de recherche international et interdisciplinaire travaillant sur l’étude de la météorite de Saint-Pierre-le-Viger. Le consortium réunit plus de 80 scientifiques et passionné.e.s de l’espace, établis dans douze pays différents.
Liste des membres du consortium