Sans tambour ni trompette, le ciel du printemps s’active en vue des soirées d’été qui seront plus riches en planètes. Dès le matin, Mars croise Saturne sur son chemin; Vénus, quant à elle, retrouve son promontoire du soir, tandis que Jupiter traverse la nuit, d’un horizon à l’autre. Encore une démonstration que rien n’est immuable pour qui sait attendre — pas même les constellations.
À l’aube…
La planète Mars poursuit sa traversée du Sagittaire, croisant au passage quelques objets célestes ainsi que la planète Saturne, quasi stationnaire parmi les étoiles de la constellation. Le duo planétaire apparaît au petit matin comme deux points brillants à une vingtaine de degrés au-dessus de l’horizon sud. Le 2 avril, Mars viendra même se glisser entre la planète aux anneaux et l’amas globulaire M22. La conjonction des deux planètes, séparées par moins d’un degré et demi, est magnifique à l’œil nu; l’utilisation d’un instrument d’optique et un ciel bien noir sont cependant nécessaires pour dévoiler le troisième membre de la rencontre, une petite boule de lumière diffuse moins d’un demi-degré au sud de Mars.
22e objet du catalogue de Messier, l’amas globulaire M22 est l’un des plus proches et des plus brillants de la voûte céleste. Les quelque 150 amas globulaires dispersés en périphérie de notre Galaxie comptent généralement une centaine de milliers d’étoiles parmi les plus vieilles de l’Univers, retenues par la gravité dans une sphère d’une centaine d’années-lumière de diamètre.
Plus près de chez nous, le 7 avril, ce sera au tour du dernier quartier de la Lune de former un bel alignement visuel avec Mars et Saturne, passant à moins de deux degrés de la belle aux anneaux.
Au crépuscule…
La brillante Vénus éclaire la tombée du jour tout le mois durant. Elle entreprend le mois plutôt bas à l’horizon ouest parmi les étoiles du Bélier, mais gagne rapidement quelques degrés d’altitude au fil d’avril pour nous convier à quelques rencontres fort jolies en deuxième partie de mois.
Le 17 avril au crépuscule, la conjonction Lune-Vénus offre un moment des plus photogéniques et une belle occasion d’admirer un jeune croissant lunaire d’à peine deux jours. Si votre regard se pose d’abord sur Vénus en direction du coucher de soleil, cherchez environ 5 degrés sur sa droite, légèrement plus près de l’horizon, pour mettre l’œil sur le mince croissant de Lune.
À partir du 20 avril, Vénus atteint la constellation hivernale du Taureau qui quitte tranquillement la scène nocturne, non sans offrir un dernier tableau. Vénus s’approchera d’abord de l’amas ouvert des Pléiades (distance minimale de 3,5° le 25) pour ensuite se faufiler entre l’amas d’étoiles et la rougeâtre étoile Aldébaran du 26 au 28 avril.
Contrairement aux amas globulaires, les amas ouverts comme les Pléiades abritent de jeunes étoiles, encore liées gravitationnellement à la suite de leur naissance commune. Âgées d’environ 115 millions d’années, les étoiles de l’amas se disperseront graduellement au fil des interactions gravitationnelles qui animent leur révolution autour du centre de la Galaxie.
Notons au passage que la Lune rencontrera le 18 avril un autre amas ouvert, les Hyades. À cette occasion, notre satellite naturel occultera même l’étoile rouge Aldébaran, l’œil du Taureau, pour les observateurs du Grand Nord canadien.
Toute la nuit durant…
Jupiter se lève de plus en plus tôt au fur et à mesure que nous nous approchons de son opposition en mai. En mouvement rétrograde dans la constellation de la Balance, la géante domine en brillance toutes les étoiles et planètes visibles au cœur des nuits d’avril.
Surveillez son lever à l’horizon sud-est vers 22 heures en début de mois, en particulier le soir du 2 avril alors que la Lune gibbeuse apparaît juste au-dessus de la planète (et à sa gauche le lendemain 3 avril). On retrouve la même configuration le 29 avril au coucher du Soleil (20 heures), sauf que sera cette fois un magnifique lever de pleine lune qui précédera Jupiter!
Et au-dessus de nos têtes!
Et alors que les soirées printanières se font de plus en plus invitantes, pourquoi ne pas prendre un moment pour apprécier une constellation bien campée au zénith en cette période de l’année et que nous tenons souvent pour acquise : la Grande Ourse. Cette vaste constellation s’étend bien au-delà de l’astérisme de la casserole, qui ne représente que l’arrière de l’animal. De nombreuses galaxies et quelques nébuleuses y trouvent résidence, mais pratiquement aucun amas d’étoiles, si ce n’est que… la Grande Ourse elle-même!
En étudiant le mouvement des étoiles de cette région l’espace, les astronomes ont découvert que des dizaines d’étoiles, dont cinq des sept étoiles de l’iconique casserole, se déplacent à la même vitesse et dans la même direction. Comme toutes les étoiles, celles-ci orbitent dans la Galaxie, complétant une révolution en 250 millions d’années environ. Or, les étoiles de ce groupe se déplacent, relativement au système solaire, environ 3 kilomètres par seconde plus vite dans cette révolution, tout en s’approchant du centre de la Galaxie à une vitesse de 10 kilomètres par seconde. C’est ce qu’on appelle le courant d’étoiles de la Grande Ourse.
Leur mouvement, ainsi que l’étude de leur composition chimique nous incite à penser que ces étoiles sont des sœurs, nées ensemble il y a entre 400 et 500 millions d’années. Elles appartenaient alors à un amas ouvert, similaire aux Pléiades, qui se disperse tranquillement.
Vous pourrez tenter de visualiser ce mouvement la prochaine fois que vous observerez la Grande Ourse. Les deux étoiles de la casserole qui n’appartiennent pas au groupe sont Alkaïd (à l’extrémité gauche du manche) et Dubhe (au coin supérieur droit du récipient). Les cinq autres étoiles, au centre, dérivent donc tranquillement en famille dans la direction du manche. Mais l’espace intersidéral est inconcevablement grand. Il faudrait des milliers d’années avant de percevoir un changement dans la forme de la bonne vieille casserole. Il s’en passera des printemps d’ici là.
Bonnes observations !