Lumière zodiacale, aurores boréales, jeu de couleurs et perspectives célestes, le mois de mars s’annonce des plus bigarrés.
L’équinoxe et son cortège de surprises
Pour les observateurs et observatrices du ciel nocturne, le mois de mars constitue chaque année un point de bascule. Alors que notre planète s’avance inexorablement vers l’équinoxe — qu’elle franchit cette année le 20 mars — les nuits rétrécissent jusqu’à même devenir plus courtes que les jours. La température s’adoucit enfin, mais s’accompagne d’une humidité qui fait presque regretter les nuits bien sèches du grand froid de l’hiver. Néanmoins, le mois de mars s’accompagne parfois de belles surprises inattendues qui offrent une perspective différente sur le ciel.
C’est en effet proche des équinoxes que l’écliptique se trouve dans sa configuration la plus favorable par rapport à l’horizon pour distinguer la lumière zodiacale. Au printemps, on la guette juste après le crépuscule dans un ciel sans Lune et dépourvu de toute pollution lumineuse, à l’ouest, entre une et deux heures après le coucher du Soleil : cherchez une sorte de pyramide faiblement lumineuse se dressant vers le ciel, légèrement inclinée vers la gauche.
Il se trouve que c’est également proche des équinoxes que les aurores polaires sont statistiquement les plus nombreuses et les plus intenses. L’année 2021 voit enfin un retour marqué de l’activité solaire. Après son minimum atteint en 2019, celle-ci devrait croître en intensité jusqu’à l’été 2025. Nous pouvons nourrir l’espoir de voir les nuits de ce mois de mars se colorer de magnifiques aurores.
Jeu de couleur et effets de perspective dans le Taureau
Bien que son opposition remonte maintenant à environ cinq mois, la planète Mars est encore bien visible dans le ciel du soir. Son éclat orangé fixe (qui dépasse encore la magnitude 1 jusqu’au 8 mars) se distingue facilement, haut au-dessus de l’horizon ouest-sud-ouest en début de soirée. Elle plonge ensuite vers l’horizon ouest-nord-ouest où elle se couche en milieu de nuit. Le mois de mars voit la planète rouge s’aventurer dans la constellation du Taureau. Nuit après nuit, entre le 6 et le 10, on peut l’admirer en train de se glisser entre l’amas des Pléiades, représentant le cœur du Taureau, et celui des Hyades, qui dessine sa tête. On sera saisi par la similitude de couleur entre Mars et Aldébaran, l’œil du Taureau. Aldébaran est une géante orangée, une étoile de masse comparable à celle du Soleil qui est arrivée en fin de vie. Les réactions de fusion nucléaire en son cœur s’y sont emballées et ont échauffé les gaz qui constituent l’astre, lequel se dilate démesurément. Aldébaran mesure désormais 45 fois le diamètre de notre Soleil. Elle a possiblement déjà eu un cortège d’exoplanètes lorsqu’elle était encore dans la séquence principale, et on peut même imaginer que certaines avaient des similitudes avec notre planète Mars. Mais si tel a été le cas, ce système est maintenant largement perturbé par la phase de géante orange d’Aldébaran, autour de laquelle la présence d’une seule exoplanète, comparable à Jupiter, a été confirmée.
Aldébaran brille à l’extrémité de l’une des deux branches de la lettre V que dessine l’amas des Hyades. Sa position invite à penser qu’elle fait partie de cet amas, alors qu’elle se trouve en réalité intercalée à mi-chemin entre notre Système solaire et les Hyades. Aldébaran est en fin de vie tandis que les Hyades constituent au contraire un amas ouvert de jeunes étoiles. C’est le plus proche de nous, à tout juste 150 années-lumière. Non loin des Hyades, on repère aisément les Pléiades, un amas ouvert d’étoiles plus jeunes encore — environ 100 millions d’années — mais distant de près de 450 années-lumière. Ainsi, dans la constellation du Taureau, on peut embrasser d’un seul regard plusieurs étapes de la vie des étoiles, lesquelles se présentent par ordre de distance. Les Pléiades nous montrent que les étoiles naissent en groupes, puis se dispersent et s’éloignent lentement les unes des autres comme ce dont on peut être témoin dans les Hyades. Enfin, elles évoluent seules ou en couple jusqu’à leur inéluctable extinction, laquelle guette maintenant Aldébaran. Alors que Mars s’invite dans le Taureau ce mois-ci, elle nous rappelle l’histoire de notre propre Système solaire et l’inexorable sort qui l’attend.
Après avoir frôlé les Pléiades, passant à seulement 2½ degrés au sud de l’amas le 3 et le 4, Mars se glisse entre les Hyades et les Pléiades entre le 6 et le 10 du mois. Quelques jours plus tard, le 18, alors que Mars flotte maintenant au-dessus de la tête du Taureau, le premier croissant de Lune vient se placer sur le poitrail de l’animal, formant alors un très élégant losange avec son œil (Aldébaran) et son cœur (les Pléiades). Le lendemain soir, la Lune s’aventure plus proche encore de Mars (3 degrés environ) et concentre notre regard sur le trio que les deux astres forment avec Aldébaran.
Mercure, un défi
Si Mars parvient à garder une place de choix dans le ciel de ce mois-ci, les autres planètes brillantes n’ont pas cette chance. Vénus est absolument impossible à voir, alors qu’elle passe en conjonction supérieure, derrière le Soleil, le 26. Quant à Jupiter et Saturne, leur observation est possible quoique peu propice, les deux planètes géantes n’apparaissant que très bas à l’horizon, peu avant le lever du Soleil. De façon générale, en première moitié d’année, l’inclinaison de l’écliptique par rapport à l’horizon est assez peu favorable à l’observation des planètes le matin. Mercure en souffre beaucoup ce mois-ci puisqu’elle ne parviendra pas à s’extirper très haut au-dessus de l’horizon, bien qu’elle se trouve dans une fenêtre d’observation possible jusqu’au milieu du mois. Pour optimiser ses chances de repérer le timide point cuivré, on peut guetter sa conjonction avec Jupiter le 5 au matin, 30 minutes avant le lever du Soleil, très bas au-dessus de l’horizon est-sud-est. Les deux planètes ne sont alors séparées que d’un tiers de degré. Mercure atteint sa plus grande élongation ouest le lendemain, ce qui ferme peu à peu la possible fenêtre d’observation de ce mois-ci.
Une conjonction tout en délicatesse
Hasarder son regard dans les lueurs de l’aube sera justement l’occasion d’observer une élégante conjonction le 10 au matin, une trentaine de minutes avant le lever du Soleil. De gauche à droite, Mercure, Jupiter et Saturne forment une ligne presque parfaite, légèrement inclinée par rapport à l’horizon sud-est; cette ligne indique grosso modo le plan de l’écliptique. La Lune, quant à elle, orbite autour de notre planète sur un plan incliné d’environ 5 degrés. En ce matin du 10 mars, c’est à peu près à cette distance angulaire de l’écliptique qu’un très fin croissant vient se placer comme une virgule sous la ligne qu’on imagine entre les trois planètes; cela place malheureusement la Lune encore plus proche de l’horizon. Cette conjonction représente d’ailleurs un défi d’observation réservé aux observateurs disposant d’un horizon sud-est bien dégagé, dans un ciel sans aucune brume ni nuage.
Bonnes observations !