Les bégonias rhizomateux
Plus de 650 espèces et cultivars de bégonias rhizomateux sont couramment cultivés. On les cultive principalement pour la forme, la texture et les couleurs variées de leur feuillage. Les feuilles peuvent être peltées (Begonia clypeifolia, Begonia nelumbiifolia) lobées ou composées (Begonia carolineifolia, Begonia thiemi).
Comme le nom l'indique, les bégonias de ce groupe possèdent un rhizome. Le rhizome est une tige épaisse munie d'entrenoeuds très courts. Suivant les espèces, il peut être souterrain, rampant ou dressé.
La grosseur des rhizomes peut varier de 0,18 à 8 cm et plus. La plupart des Bégonias rhizomateux fleurissent à partir du milieu de l'hiver jusqu'à la fin du printemps. Le degré de floraison, qui varie énormément d'une espèce à l'autre, est sensible aux conditions de culture.
La majorité des espèces rhizomateuses du Jardin botanique de Montréal proviennent des Amériques, mais nous en avons aussi des Antilles, d'Asie, d'Afrique et d'Océanie. La première espèce à feuille peltée, le Begonia nelumbiifolia, fut découverte, en 1830, en même temps que Begonia heracleifolia par Ferdinand Deppe et C. J. Schide au Mexique. Les feuilles peuvent atteindre 30 cm de diamètre à maturité. Dans les plantes de ce groupe, on trouve le Begonia carolineifolia dont les rhizomes dressés, volumineux, portent des feuilles composées-palmées. Cette espèce, originaire du Mexique et du Guatemala, fut introduite au Jardin botanique de Saint-Petersbourg en 1822.
Mais les bégonias rhizomateux cultivés aujourd'hui n'ont pas tous été découverts au 19e siècle.
L'intérêt pour les bégonias rhizomateux est réellement né de la découverte du Begonia bowerae en 1948 par Thomas MacDougall. À partir du B. bowerae, qui possède de petites feuilles vertes dont les nervures principales sont bordées de deux bandes noires, on a créé au-delà de 130 cultivars. Thomas Mac Dougall est un botaniste-explorateur américain qui mourut lors d'une expédition au Mexique en 1973; il fit périodiquement des voyages dans ce pays pour récolter des plantes. Il découvrit plusieurs nouvelles espèces de bégonias, entre autres, les B. cavum, B. kenworthyae et B. mazae.
Dans les années 40, il rapporta du Mexique une espèce décrite par Casimir de Candolle au 19e siècle à partir de plantes venant du Honduras, mais qui était demeurée inconnue depuis lors, le B. thiemi. Ce bégonia porte de grandes feuilles vertes composées-palmées, dont le pétiole peut mesurer plus d'un mètre de long et cinq centimètres de large. L'inflorescence peut atteindre plus de deux mètres de hauteur.
Un des plus beaux hybrides de bégonia rhizomateux fut créé au Jardin botanique de Montréal, en 1967. Le Begonia 'Eaglesham' résulte du croisement du B. decora et du B. masoniana, deux espèces asiatiques. Le B. decora, que l'on cultive dans un terrarium, possède de petites feuilles rouge vin. Le B. masoniana porte de grandes feuilles coriaces, vertes, avec une tache brune en forme de croix au centre. Le bégonia 'Eaglesham' a gardé les couleurs du premier et la vigueur du second.
Nous trouvons aussi des bégonias rhizomateux africains, fort intéressants, bien qu'ils soient moins répandus en culture, par exemple le B. quadrialata et le B. clypeifolia. Le B. quadrialata, qui doit être cultivé en terrarium, possède de petites feuilles dont la surface supérieure est veloutée. Dans son milieu naturel, il croît dans les endroits humides, sur les parois des rochers. Le B. clypeifolia, même s'il est très peu cultivé, est connu depuis longtemps, puisqu'il fut décrit par J.D. Hooker en 1811. Cette espèce de la forêt tropicale africaine possède un rhizome rampant qui porte des feuilles peltées d'un vert luisant. Les fleurs sont jaune clair. Une autre espèce de bégonia fort intéressante nous vient d'Asie : le B. roxburghii. Chez ce bégonia, originaire de l'Himalaya et de Birmanie, les fleurs mâles et femelles sont placées sur des plantes différentes. Au Jardin, nous n'avons que des plantes femelles. Elles possèdent des tiges dressées, munies de feuilles vert luisant.
Les bégonias tubéreux
Description et classification
Les bégonias dits tubéreux sont divisés en cinq catégories principales :
- semi-tubéreux
- bulbeux
- Cheimantha
- Hiemalis
- Tuberhybrida.
Les bégonias semi-tubéreux présentent une protubérance irrégulière qui ressemble à un tubercule. Au niveau du sol, cette formation apparaît comme un épaississement plus ou moins anarchique de la tige. Un bégonia semi-tubéreux bien connu est l'espèce sud-africaine Begonia dregei.
Les bégonias bulbeux produisent des bulbes ou des organes semblables. Mais la seule espèce à posséder réellement un bulbe serait le Begonia socotrana, une plante endémique de l'île Socotra qui joua un rôle important dans le développement des bégonias Cheimantha et Hiemalis.
Les bégonias Cheimantha se composent d'hybrides ayant pour origine le croisement du Begonia socotrana et du Begonia dregei, qui a donné naissance, en 1892, au bégonia ‘Gloire de Lorraine’. Ces bégonias fleurissent en hiver. Tous les cultivars de ce groupe ont des fleurs simples allant du blanc au rose. Certains cultivars de bégonias Cheimantha sont difficiles à cultiver et demandent des attentions particulières.
Les bégonias Hiemalis proviennent du croisement de différentes espèces de bégonias tubéreux avec le Begonia socotrana. Le premier hybride de ce groupe fut réalisé par John Heal en 1833; il s'agit du Begonia Hiemalis ‘Mrs. John Heal’. Il résulte du croisement du B. socotrana avec le Begonia ‘Visconte Deneraile’. Ces Bégonias fleurissent en hiver. La couleur de leurs fleurs va de blanc à rose, de rouge et abricot à cramoisi et écarlate. Les fleurs sont simples, semi-doubles ou doubles, selon la variété. Vigoureux, ils possèdent un port buissonnant et compact. Quelques cultivars portent des tiges dressées alors que chez d'autres, elles ont tendance à être rampantes. Au Jardin botanique de Montréal, nous conservons quelques cultivars de bégonias Hiemalis, principalement de la série Aphrodite où l'on trouve des fleurs doubles, roses, rouges ou pêche. Nous possédons encore des représentants du cultivar ‘Nelly Visser’ qui fut créé en 1948.
Les bégonias Tuberhybrida, comme le nom l'indique, ont une origine hybride. Ils comptent parmi les plus belles réussites en ce domaine de l'horticulture. Ce groupe, résulte de croisements et de rétrocroisements entre des espèces des Andes. Il comprend des formes au port dressé ou retombant et présente une grande diversité au niveau du feuillage et de la floraison. Le diamètre de la fleur varie de 4 à 20 cm; elle peut être simple, semi-double ou double. Les pétales sont plats ou frisés. Leur couleur est blanche, crème, jaune, orange, rose, rose abricot, rose saumon, rouge brillant, rouge pourpre ou pourpre foncé. On ne trouve pas de fleurs bleues. Les bégonias de ce groupe possèdent des tubercules vivaces, semi-succulents, de forme aplatie, et des tiges d'une longueur de 10 à 30 cm, généralement munies de poils. La marge des feuilles, dentée et frangée, est munie de poils.
Les bégonias Rex-cultorum
Ce groupe de bégonias, bien connu pour la coloration variable des feuilles est certainement l'un des plus appréciés. Son développement a débuté en 1856 quand le Begonia rex fut croisé avec d'autres espèces asiatiques au feuillage ornemental : B. annulata, B. decora, B. diadema, B. robusta, B. tenuifolia et B. xanthina.
À cause de ces nombreux croisements, les bégonias Rex-cultorum présentent une grande variation dans la grandeur, la forme et la couleur des feuilles.
Généralement les bégonias de ce groupe ont une courte tige. Les feuilles possèdent une forme cordée et peuvent être plus ou moins lobées. Elles peuvent être argentées, vertes, colorées en tout ou en partie de rose, de marron, de brun chocolat, ou presque noires, par exemple.
La collection du Jardin botanique de Montréal comprend près de 90 cultivars de bégonias Rex-cultorum. Plusieurs d'entre eux ont été reçus, en 1980, lors des Floralies internationales de Montréal. Nous possédons encore quelques cultivars reçus avant 1950 : ‘Fairy’ avec ses feuilles rose saumon; ‘Lucy Clossom’ avec ses tiges dressées et ‘Peace’ avec ses feuilles rose pâle.
Les bégonias Semperflorens-cultorum
Ce groupe de Bégonias se divise en deux catégories : les espèces et les cultivars.
Les espèces sont, à leur tour, subdivisées en deux types : le type semperflorens et le type schmidtiana.
Le premier type, semperflorens, inclut le Begonia cucullata var. cucullata (B. semperflorens) et ses autres variétés, de même que les espèces qui ont un port et des caractéristiques culturales similaires. Les plantes de ce type peuvent atteindre une hauteur de un mètre.
Le second type, schmidtiana, comprend le Begonia schmidtiana et les espèces qui lui ressemblent du point de vue horticole. Ces Bégonias possèdent un port court et compact.
Les cultivars du groupe semperflorens, regroupés sous le nom collectif de Begonia Semperflorens-cultorum, sont bien connus en horticulture. Ils sont buissonnants, compacts et possèdent des tiges quelque peu succulentes. Les feuilles ovales ont une surface luisante et lisse. Dans la plupart des cas, les feuilles sont vertes, mais quelques variétés ont un feuillage rouge bronze à rouge noir. La floraison est abondante et durable. Les fleurs sont blanches, roses ou rouges. La plupart des bégonias Semperflorens-cultorum sont faciles à cultiver.
La collection du Jardin botanique de Montréal comprend environ une douzaine de cultivars de ce groupe, dont : ‘Indian Maid’ avec des fleurs rouge orange, un ancien cultivar que nous avons reçu en 1940; ‘Cinderella’ avec des fleurs semi-doubles, rouge cerise; ‘Cindy Locks’ avec des fleurs jaunes et ‘Thimbleberry’ avec des fleurs roses ou rouges.
Autres types de bégonias
En plus des types décrits précédemment, nous trouvons aussi des bégonias au port arbustif, au port de bambou, à tiges épaisses, rampants ou grimpants.
Les bégonias au port arbustif sont cultivés principalement pour leur feuillage aux formes et aux couleurs variées. Le Begonia acutifolia, découvert en 1688 par Hans Sloane, en Jamaïque, fut probablement le premier bégonia de ce groupe à être connu. Il possède des feuilles acuminées, dentées et pubescentes. Un des bégonias les plus connus de ce groupe est sûrement le Begonia listada, originaire du Brésil. On le cultive pour ses feuilles vert foncé, traversées par une ligne émeraude. Les deux espèces sud-américaines, B. verrosa avec ses feuilles velues et le B. mollicaulis qui fleurit abondamment appartiennent aussi à ce groupe, de même que le B. serratipetala qui porte des feuilles rouges, profondément dentées.
Le petit groupe des bégonias à tiges épaisses est surtout cultivé par les collectionneurs et ceux qui font des croisements. Le Begonia dichotoma qui fut découvert dans des forêts humides près de Caracas, a été introduit en Angleterre par Thomas Hoy en 1800. Lors de la floraison, il produit une inflorescence terminale munie de plusieurs petites fleurs blanches. En 1826, Johnston envoya des graines de B. dipetala, espèce originaire de Bombay, en Inde, au Jardin botanique d'Edimbourg. Cette espèce très appréciée des collectionneurs produit de grandes fleurs roses à l'aisselle des feuilles. Le Begonia olbia, d'origine horticole, est aussi fort intéressant. Il possède des feuilles lobées, dentées et rougeâtres. La face supérieure du limbe est vert olive et légèrement pubescente. Les fleurs sont verdâtres. Comme autre exemple de ce groupe mentionnons le B. ulmifolia, originaire des Antilles et de l'Amérique du Sud, qui, comme le nom latin de son espèce l'indique, possède des feuilles ressemblant à celles de l'orme.
Les bégonias au port de bambou sont généralement cultivés pour leur longues inflorescences pendantes. L'un des représentants les plus typiques de ce groupe est le Begonia coccinea. Cette espèce, originaire du Brésil, fut introduite en Angleterre en 1841 par William Lobb, le premier collectionneur de plantes pour la maison horticole Veitch & Sons. Les tiges, qui peuvent atteindre un mètre de haut, portent de grandes fleurs rouges pendantes.
C'est aussi dans ce groupe que l'on trouve les anciens cultivars ‘Président Carnot’ et ‘Lucerna’. Le premier, nommé en l'honneur du Président de la République française de l'époque, fut créé en 1890 par Crozy à Lyon. Wettstein, un jardinier de Lucerne, en Suisse, créa le B. ‘Lucerna’ en 1892. Ces deux bégonias possèdent de grandes tiges dressées munies de fleurs rouges.
Le petit groupe des bégonias rampants et grimpants contient des espèces fort intéressantes. Ces bégonias viennent surtout d'Amérique du Sud et d'Afrique. Au Jardin botanique de Montréal, la plupart des bégonias rampants et grimpants sont cultivés en panier. La première espèce de ce groupe, Begonia glabra, fut découverte en 1775, par Fusée Aublet, en Guyane française. Au printemps, cette espèce produit une grande quantité de fleurs blanches. Nous conservons aussi quelques espèces africaines, entre autres, B. convolvulacea, B. mannii et B. polygonoides. Le B. mazae, espèce originaire du Mexique, qui possède de petites feuilles avec une texture veloutée, couverte de lignes ou de taches brunes, appartient aussi à ce groupe.
Des bégonias comme légumes et médicaments
Les bégonias n'ont pas uniquement une valeur ornementale. En Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, on mange les feuilles de certaines espèces. Au Congo, dans la région de Mossendjo, on utilise les feuilles comme légumes. Le Begonia ampla est préparé de la façon suivante : les feuilles sont roulées et coupées en fines lanières que l'on fait bouillir durant vingt minutes; une fois bouillies, on les lave dans de l'eau froide; ils peuvent alors être mélangées à de la viande ou mangées avec d'autres légumes. Il est certainement dangereux de manger les feuilles sans les faire bouillir, à cause des cristaux d'oxalate de calcium qu'elles contiennent. Au Gabon, le Begonia mannii constituerait une des nourritures favorites des chimpanzés et des gorilles. Dans le sud de la Chine, dans la province de Yunnan, on prépare des tisanes à partir, entre autres, des feuilles de Begonia fimbristipula. La récolte et le séchage des feuilles au soleil est l'une des activités de la région.
Les Bégoniacées auraient aussi des propriétés médicinales. En Nouvelle-Guinée, on utilise le Symbegonia moorena, sous forme de tisane, pour soigner les maux d'estomac. Le Symbegonia fulvo-villosa est employé pour traiter les aphtes des enfants et les rhumes. On écrase les tiges pour en extraire un jus que l'on boit. En Amérique du Sud, on prend des bégonias, en sirop ou en tisane, pour soigner les rhumes et la fièvre (B. humilis, B. rotundifolia). Julia F. Morton, de l'Université de Miami, rapporte qu'au Guatemala deux espèces de bégonias, dont l'identité n'est pas connue, sont utilisées, sous forme de compresses, pour guérir les plaies diverses. Une décoction de feuilles s'emploie aussi contre les ulcères d'estomac.
Hillebrandia sandwicensis
On ne peut compléter cette section consacrée aux bégonias sans parler de l'Hillebrandia sandwicensis.
Cette espèce, décrite en 1866 par Oliver, se rencontre seulement dans quelques-unes des îles de l'archipel d'Hawaï, autrefois les îles Sandwich, d'où le nom spécifique sandwicensis.
Le nom de genre Hillebrandia rappelle William Hillebrand (1821-1886), un médecin qui vécu à Hawaï durant vingt ans. Il rédigea une étude sur la flore de cette région (Flora of the Hawaiian Islands) qui fut publiée en 1888.
L'Hillebrandia possède des rhizomes tubéreux portant des tiges dressées plus ou moins pubescentes. Les feuilles palmées sont lobées et hispides.
Tirés de différents articles de Denis Barabé parus dans la revue Quatre-Temps.