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Les balados Migrations d'oiseaux - Transcription - Épisode 9 - Le premier grand départ

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Les balados Migrations d'oiseaux - Transcription - Épisode 9 - Le premier grand départ
Balado Migrations Espace pour la vie

Épisode 9 - Le premier grand départ

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Bonjour, je m’appelle Jean-Philippe, je travaille aux collections vivantes du Biodôme de Montréal. Dans ce balado d’Espace pour la vie, on termine la série sur la migration des oiseaux avec le tout premier voyage vers le Sud. Ce n'est pas comme partir en vacances, je vous parle ici des oiseaux qui migrent pour  la première fois !

Il y a une première fois à tout ! Vous souvenez-vous de votre premier vélo ? Votre premier appartement, votre premier jour d’école, votre première carte Pokemon ? 

Moi je me souviens de plein de choses et je sais que j’en ai oublié plusieurs autres. Mais ce dont je me souviens le plus c’est surtout l’émotion qui vient juste avant une première fois. On dirait un mélange de fébrilité et de prudence, d’exaltation, de curiosité et aussi un peu de nervosité, voire même d’inquiétude selon la situation.

J’étais assez jeune quand j’ai fait mon premier grand voyage. J’avais aucune idée de comment me rendre à destination, où j'allais manger sur la route et surtout, je ne savais même pas où j’allais dormir ! Fort heureusement, je n'étais pas seul. Mes parents étaient là pour me guider, m’accompagner prendre soin de moi. On voyageait avec d'autres parents qui avaient leurs enfants et d’autres adultes qui suivaient le groupe. Ensemble, tous ensemble on était rassuré. Peu importe ce qui allait nous arriver, on allait s’en sortir.

À la fin de l'été, quand je vois des rassemblements d’oiseaux se former, je me demande toujours à quoi ressemble la composition du groupe. Combien y a-t-il de juvéniles, d’adultes et quelle est la proportion d’oiseaux plus âgés… qui sont les guides, ceux qui ont de l’expérience. Ceux qui n’en sont pas à leur première fois.

Imaginez la situation. Un couple de Bécasseaux semi palmés profite de l’abondance des ressources du Nord pour produire une nichée. Quatre beaux oisillons verront le jour dans la toundra et avec un peu de chance, ils éviteront les prédateurs. À la fin de l’été, quatre juvéniles sans expérience et qui ont à peine quelque semaines de vie dans leur corps s'envoleront pour une migration de 5 000 km. Pour réussir l’exploit, une bonne stratégie est de se regrouper, idéalement avec ceux qui connaissent déjà le chemin… et les bonnes adresses. C’est donc habituellement vers la fin du mois de juillet que les rassemblements commencent. Dans la fébrilité, il y a déjà, des individus qui décollent… pour le grand voyage.

Ce ne sont pas tous les oiseaux qui se regroupent à l’automne, Par contre, en nature, dans les forêts, dans les champs… ça sent la migration. Un truc d’observateurs consiste à repérer les groupes de mésanges entre la mi-août et la fin septembre. À coup sûr on y trouvera parmi elles un oiseau en migration. C’est que les oiseaux “voyageurs” utilisent un vieux principe de routard qui consiste à “ faire comme les locaux” ! 

En voyage, quand vous arrivez dans un endroit inconnu et qu’on a faim.. pour choisir le bon resto,vous allez où il y a déjà des clients, vous pouvez même leur demander une recommandation pour être certain ! Dans le même ordre d’idée, une paruline, un viréo ou un bruant en déplacement qui arrive dans un nouveau secteur aura le réflexe de suivre les espèces résidentes comme des mésanges pour trouver plus facilement leur nourriture. Les mésanges, elles, connaissent parfaitement les lieux puisqu’elles y sont toute l’année. L'oiseau en visite pourra les suivre quelques heures, voire quelques jours.

On me demande souvent, qu’est ce qui dit aux oiseaux que c’est le temps de partir ? Ils ont quand même pas un calendrier sous l’aile ! Ils ont encore mieux que ça… ils sont dehors tout le temps. Ça leur permet de suivre les moindres changements qui sont parfois imperceptibles pour les humains. Comme par exemple, une baisse de la disponibilité des insectes aquatiques, moins de fruits dans les sous-bois ou encore un changement dans l’amplitude des marées. Il y a aussi les signes que tout le monde est en mesure de percevoir. Les nuits plus fraîches, la durée du jour qui raccourcit. Plus tard à l’automne, les feuilles changent de couleurs et pour ceux qui n’ont pas encore compris le message.. Le gel et la neige vous diront clairement que l’été est fini !

Il ne faut pas oublier que le cycle naturel de la biologie de l’espèce est le facteur le plus important. On se souvient que la plupart des oiseaux migrateurs sont des espèces qui nous viennent des tropiques et qui remontent vers le nord pour profiter des conditions exceptionnelles qu’on y trouve l’été. Ce bout là on le connaît ! Tout ça, c’est pour produire, la prochaine génération… Et une fois que c’est fait, que les jeunes sont autonomes et que les parents ont refait leurs réservent… Tout est en place pour le voyage de retour et CE moment est probablement le plus indicatif du départ.

Dans la séquence de départ, ce ne sont pas tous les oiseaux qui sont prêts à partir en même temps. Chez la plupart des espèces, on observe des vagues de départ. C'est-à-dire que pour une espèce donnée,  quelques individus seulement initient le mouvement. Puis, quelques autres et encore plus. À un moment, il y a un grand volume d'individus qui part en migration et puisqu’il reste de moins en moins d’oiseaux sur les territoires d’été, le nombre d’oiseaux en déplacement diminue graduellement… jusqu’au dernier.

Dans le cas du bécasseau semipalmé, comme chez plusieurs oiseaux de rivage, il y a deux grandes vagues de départ. La première est composée principalement  d’adultes et la seconde continent surtout des juvéniles. La première vague débute en août et est de plus courte durée. La seconde qui est est décalée de quelques semaines dure plus longtemps.  Quand les deux vagues sont en cours, la quantité d’oiseaux en déplacement est impressionnante et elle offre un spectacle époustouflant aux observateurs.

Si un oiseau voyage seul, ou qu’il migre pour la première fois, on peut se demander comment fait-il pour s’orienter. Je vous parle ici de la boussole, ou de la carte routière dont on a besoin pour se rendre à bon port. On a déjà parlé des repères visuels qui sont surtout utilisés à l’approche d’une destination connue, mais qu’en est-il pour un oiseau qui survole un continent à 3000 mètres d’altitude ?

La réponse tient dans la sensibilité des oiseaux à détecter des stimuli qui ne sont pas à la portée des humains.  Par exemple, le champ magnétique terrestre. Tout le monde connaît le principe de la boussole classique qui indique le nord magnétique, mais qui est vraiment en mesure d’indiquer le nord clairement sans instrument ? Et bien les oiseaux eux, ils en sont capables  !

On sait depuis longtemps que le champ magnétique terrestre influence les déplacements d’oiseaux, ou plutôt que les oiseaux y sont sensibles et qu’ils modifient leurs comportements en fonction de sa valeur.  Il faut savoir que le champ magnétique terrestre a non seulement une direction, mais aussi une inclinaison selon qu’on est proche ou loin des pôles. Ces deux valeurs sont particulièrement utiles pour orienter un oiseau qui voyage sur de grandes distances. Certains chercheurs auraient même démontré que l’inclinaison du champ magnétique aurait une influence sur la préparation d’un oiseau avant son départ. C’est que l’inclinaison indique à l’oiseau s’il est près ou loin de l’équateur et il fera donc plus ou moins de réserve selon sa destination finale. On a aussi démontré que certaines espèces comme le Rossignol progné, un oiseau d’eurasie, aurait la capacité de voir le champ magnétique de la terre. C’est qu’une molécule située à l’intérieur de l'œil réagit sous l’influence du champ magnétique et permettrait au cerveau d’en faire une image. On a par contre aucune idée à quoi ça peut bien ressembler !

Alors si l’on combine les vents dominants, la boussole interne et les repères visuels, on comprend mieux comment un individu arrive à se retrouver même lors de sa première migration. Et s’il n’y a pas de repère visuel du tout… Pas de montagne, pas de forêt, pas de champs,  pas de rivière… rien. Enfin pas rien, mais juste de l’eau !  Comme au beau milieu de l’océan. Comment un oiseau réussi à s’orienter quand le seul repère visuel est l’horizon ?

Et bien, aussi invraisemblable que ça puisse paraître, les oiseaux marins utilisent le paysage olfactif ! Si vous avez déjà eu la chance d’aller au bord de la mer, vous savez qu’il y a une odeur particulière qui y est associée… ça sent la mer!  Sauf que la mer ne sent pas pareil partout. L’odeur en question provient de molécules odorantes qui sont produites principalement par le métabolisme des algues et du plancton. Selon la concentration et la distribution des organismes, les odeurs seront plus ou moins fortes sur l’océan. L’action des courants océaniques et du vent semblent ensuite organiser les odeurs pour former des zones distinctes. On peut facilement imaginer un relief olfactif si on associe une odeur forte et intense à une montagne ou une odeur douce et subtile à une plaine.  C’est comme une carte géographique olfactive qui permet aux oiseaux de naviguer précisément dans l’immensité de l’océan.

Voyager pour la première fois ou voyager seul peut paraître inquiétant, mais avec tous ces repères c’est beaucoup plus facile. En plus de ce que les sens offrent comme indices visuels, auditifs, tactiles ou olfactifs,  les oiseaux ajoutent aussi les concepts de durée, de direction, d’altitude à leur déplacement. Ils se déplacent dans un univers multidimensionnel à  la fois complexe et précis.

Dans cette série de balado sur la migration des oiseaux, j’ai tenté de vous faire découvrir le beau, le spectaculaire et aussi de vous mettre en lien avec certains aspects méconnus de la nature qui nous entourent. L’exceptionnel est souvent à côté de nous, il faut juste savoir le détecter.  Je vous invite à vous plonger dans l’univers complexe des oiseaux et d’expérimenter vos sens. Trouvez vous un lieu que vous croyez connaître, installez-vous confortablement et fermez les yeux… Écoutez. Portez votre attention sur les sons qui sont près de vous,  puis les autres qui sont loin. Ensuite, bouchez-vous les oreilles et sentez… 

Est-ce que l’odeur vous rappelle quelque chose ? Agréable on reste, désagréable on quitte…

C’est vraiment intéressant de faire cette expérience à différents moments de la journée ou de l’année. Les changements sont incroyables, c’est comme si on superpose des couches d’ambiance dans notre environnement. La fébrilité liée à une première fois amplifie les sensations et permet de graver les expériences. C’est probablement pour ça qu’on se souvient de nos premières expériences et pour un oiseau migrateur c’est ce qui va lui donner l’assurance d’être sur le bon chemin… la prochaine fois !

J'espère que vous avez apprécié le balado et je vous invite à vous créer des souvenirs de nature en gardant l'œil ouvert, mais aussi les oreilles, le nez et bien sûr votre coeur ! 

Pour explorer les autres balados sur la Migration des oiseaux et une foule d'autres sujets, visitez espacepoulavie.ca

Je vous dis à bientôt et vous souhaite de belles observations.

Dans le balado, j’ai utilisé le mot métabolisme pour décrire l’ensemble des réactions qui permet à un organisme de fonctionner. Quand le métabolisme est en action, les cellules vivantes consomment de l’énergie et transforment des molécules en d’autres composés. C’est ce qui permet de rester en vie.