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Carnet horticole et botanique

Stratégies de pollinisation chez les orchidées

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Stanhopea saccata
Photo : Jardin botanique de Montréal (Gilles Murray)
Stanhopea saccata.
  • Stanhopea saccata.
  • Maxillaria huebschii.
  • Bulbophyllum Elizabeth Ann 'Bucklebury' AM/RHS.
  • Rodricidium 'Tahiti'.

Modes de pollinisation des orchidées par récompense

Nectar

Puisque le pollen des orchidées, regroupé en pollinies, n'est pas utilisé par les abeilles comme source de nourriture, leur principale source de récompense consiste en un nectar.

Les orchidées chez qui cette adaptation est présente de la façon la plus évidente sont celles qui sont munies d'un éperon au fond du labelle. L'insecte doit alors être muni d'un appendice pour aller puiser le nectar et, ce faisant, il se frotte aux pollinies.

L'exemple le plus notable est l'Angraecum sesquipedale auquel Darwin s'était intéressé. Il avait même anticipé la découverte d'un papillon dont le proboscis (la « trompe à nectar ») serait assez long pour aller puiser le nectar au fond de l'éperon. De fait, l'insecte fut découvert des années plus tard et il correspondait tout à fait à la description de Darwin. Ce type de pollinisation est souvent décrit comme « serrure », puisqu'un organe de l'insecte s'ajuste de façon précise sur la fleur.

Stratégie de la trappe

Chez les orchidées de type sabot (Cypripedium, Paphiopedilum), l'insecte à la recherche de nectar se glisse sous la colonne et ne ressort qu'après s'être faufilé sur le côté du gynostème tout en apportant les pollinies accolées à son dos. Cette étape empêche la pollinisation de la même fleur. Lors de la visite d'une autre fleur, il déposera les pollinies sur le stigmate avant de ressortir, porteur d'un nouveau fardeau. On parle alors de pollinisation de type « gosier » ou de « trappe ».

Chez de nombreuses orchidées, l'association insecte-orchidée est si étroitement établie qu'on peut parler de « fidélité » ou de « restriction » puisque seul l'insecte capable de polliniser efficacement pourra visiter la fleur et obtenir sa récompense de nectar.

L'adaptation que démontre l'accumulation du pollen en pollinies, petites masses dures facilement « transportables » sur le dos d'un insecte ou le bec d'un oiseau, surtout lorsqu'elles sont munies d'un disque adhésif (le viscidium), est d'ailleurs unique aux orchidées.

Simili-pollen ou déception

Un certain nombre d'orchidées offre plutôt du pseudo-pollen qui, par sa consistance, ressemble à du pollen comestible pour le pollinisateur. Cette substance est alors amassée puis mangée par des insectes, habituellement des abeilles. Dressler mentionne aussi la présence de cire sur le callus du labelle d'espèces de Maxillaria, qui pourrait être utilisée par des abeilles dans la construction de nids.

Il arrive aussi que certaines orchidées semblent promettre du nectar, mais n'en produisent pas. Quelques espèces, comme la Calypso de nos tourbières, possèdent des poils jaunes réunis en aigrette mimant du pollen comestible au sommet de fausses anthères.

Parties mobiles

Les plantes qui présentent des parties mobiles suscitent toujours la curiosité. Qu'on pense aux pièges actifs des plantes insectivores, malgré le fait que chez les orchidées le mouvement est surtout passif.

Ainsi, le labelle de plusieurs orchidées s'abaisse sous le poids du pollinisateur, favorisant le dépôt des pollinies ou leur collecte. Des espèces de Pleurothallis ont des poils ou des appendices qui se déplacent avec le vent, attirant particulièrement les mouches. Chez le genre Porroglossum et quelques autres, le mouvement de charnière du labelle le rabat vers le gynostème dès qu'une pression est effectuée sur le pied du gynostème qui le soutient. Ainsi l'insecte est emprisonné et la seule sortie possible doit le faire passer par le stigmate puis le rostellum, où il dépose puis reprend des pollinies. Après quelques minutes, le labelle reprend sa position initiale, attendant sa prochaine « victime ».

Le mouvement d'éjection des pollinies du Catasetum est impressionnant, déclenché dès que l'on appuie un objet (le bout d'un crayon par exemple) sur les petites antennes à proximité du viscidium. Ce dernier, gluant, adhère de façon remarquable jusqu'à ce qu'on s'en débarrasse avec vigueur, en frottant par exemple les pollinies sur le stigmate d'une autre fleur.

Mimétisme et autres modes de pollinisation des orchidées par signalisation

Mimétisme

Il s'agit probablement d'un des phénomènes les plus fascinants du règne végétal, d'autant plus qu'il se répète de façons variées chez divers groupes d'insectes et d'orchidées non apparentés. Les exemples ne manquent pas. Les Bulbophyllum attirent les mouches par leur apparence de matière en décomposition.

De nombreuses espèces miment les fleurs de végétaux abondants et attrayants pour leurs pollinisateurs. Dodson mentionne une abeille mâle qui pollinise le genre Oncidium en attaquant l'inflorescence qui mime un autre mâle en vol, tout en recevant sur la tête les pollinies éjectées, qu'elle ira déposer à la prochaine « attaque ».

Pseudocopulation

Il arrive que la fleur, en tout ou en partie, mime l'insecte femelle. Elle sera alors visitée par les mâles en mal de trouver une femelle. Le genre Trichoceros est remarquable pour cette adaptation, en mimant à l'aide de poils et de parties mobiles, la femelle d'une mouche. Comme Dressler nous le rappelle, les orchidées ne sont pas dotées d'intelligence et le phénomène, comme ceux qui mettent à profit la pollinisation croisée, est le résultat de l'évolution, d'essais et d'erreurs fournis entre autres par la sélection génétique à très long terme et par le succès des individus qui se seront reproduits.

Couleurs et formes

Les couleurs des fleurs que nous percevons sont tout à fait différentes de celles perçues par les insectes et les oiseaux. Leur importance s'établit de pair avec la mobilité des pièces ou le type de trappe adopté par la plante. Le bleu, le violet, le pourpre, le jaune et le blanc agissent davantage sur les abeilles. Les couleurs contrastantes, notamment l'écarlate, attireront plus les oiseaux.

De même, la forme des dessins du labelle pourra jouer un rôle pour le mimétisme ou comme signal d'une éventuelle récompense. La forme de la fleur proprement dite ou de certaines pièces florales aura aussi une importance primordiale, non seulement dans le mimétisme ou la pseudocopulation, mais également dans une interaction efficace pollinisateur-fleur. Les insectes doivent en effet souvent disposer d'une « piste d'atterrissage », alors que les oiseaux auront une plus grande facilité à puiser le nectar avec leur bec dans une fleur tubulaire leur permettant de faire du « sur-place ».

Odeurs

Tout comme les couleurs, les odeurs, qu'elles soient agréables ou putrides, influencent le type de pollinisateur associé à la plante. Ainsi, l'inflorescence du Bulbophyllum pollinisé par les mouches attirées par la viande en décomposition dégagera une odeur de putréfaction.

Le succès des orchidées, en tant que groupe végétal parmi les plus évolués, leur diversité et leur large répartition à l'échelle du globe, dépendent sans aucun doute de leurs modes de pollinisation diversifiés et sophistiqués. Au-delà des espèces aux fleurs flamboyantes les plus populaires en culture, la famille des Orchidacées recèle des joyaux à la complexité des fleurs souvent cachée à première vue. Qu'il s'agisse d'adaptations en fonction de leurs habitats ou de leur pollinisateurs, les orchidées offrent des pistes fascinantes pour l'observateur botaniste, malgré qu'il lui soit permis de rêver être un explorateur parti à leur recherche dans les lieux les plus exotiques.