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Carnet horticole et botanique

Plantes d'intérieur et qualité de l'air

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Aglaonema nitidum 'Silver King'
Photo : Jardin botanique de Montréal (Jean-Pierre Bellemare)
Aglaonema nitidum 'Silver King'

Les plantes améliorent-elles vraiment la qualité de l’air intérieur?

Contrairement à ce qui est généralement admis, la qualité de l’air de votre maison ne sera pas meilleure si vous y cultivez quelques plantes.

L’Agence de protection de l’environnement (EPA) des États-Unis estime que les Américains passent 90 % de leur temps à l’intérieur et que la qualité de l’air y est souvent inférieure à celle de l’extérieur. On peut penser qu’il en va de même dans la majorité des pays industrialisés, y compris au Canada.

Dans la maison, les principales sources de polluants sont l’activité humaine (bricolage, tabagisme, cuisine, etc.), les matériaux de construction, les produits utilisés quotidiennement (produits de nettoyage, chauffage, etc.) et certains contaminants extérieurs qui s’infiltrent dans la maison. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la mauvaise qualité de l’air intérieur serait responsable de 1,6 million de décès par année.

Des résultats impressionnants mais trompeurs

L’idée d’utiliser les plantes pour purifier l’air des bâtiments a pris son essor à la suite des recherches du docteur Wolverton de la NASA. Les expériences de ce chercheur, qui ont été reprises et élargies par plusieurs scientifiques américains, ont été réalisées en laboratoire. Dans la plupart des cas, on a mis une plante sous un abri hermétique constitué de plexiglas transparent. On y a injecté une dose de polluant, puis on a calculé la quantité de composés absorbés après 24 heures.

Le taux d’absorption de polluants tels le formaldéhyde, le benzène, le trichloroéthylène et l’acétone (voir le tableau) a été testé sur une vingtaine de plantes différentes. De prime abord, les résultats sont assez impressionnants. Ainsi, le Dracaena deremensis ‘Janet Craig’ aurait un indice d’efficacité de 7,8/10 pour le trichloroéthylène. L’indice d’efficacité du Ficus robusta serait de 8,0/10 pour le benzène, le formaldéhyde et le trichloroéthylène.

Les résultats de ces expériences ont été abondamment rapportés dans les médias classiques et électroniques. On a même écrit des livres entiers sur le sujet. Selon Wolverton, de 15 à 18 plantes de grosseur moyenne (pots de 6 à 8 po) suffisent à assainir une surface de 200 m2. Peu de gens mettent en doute ces chiffres, même s’il s’agit d’extrapolations de données obtenues en laboratoire. Qu’en est-il au juste? Les plantes sont-elles aussi efficaces dans les édifices qu’en laboratoire?

Du laboratoire au monde réel

John R. Girman en doute. Ce chercheur de l’EPA, spécialiste de la qualité de l’air intérieur, a réalisé une revue de littérature sur le sujet. Ses travaux mettent en évidence le fait que la plupart des recherches effectuées en situation réelle n’ont pas démontré que les plantes avaient un impact significatif sur la qualité de l’air. Ces piètres résultats seraient dus en partie aux lacunes du protocole expérimental (des mauvais calculs, notamment), de sorte que les données obtenues en laboratoire peuvent difficilement être transposées dans le monde réel.

Ainsi, à partir des données de Wolverton, Girman a calculé qu’il faudrait 680 plantes pour purifier l’atmosphère d’une maison standard de 139 m2 contenant 340 m3 d’air. On est loin des recommandations de l’Associated Landscape Contractor of America (ALCA) qui conseille d’utiliser une plante au 9,29 m2, donc 15 plantes pour une maison standard! La différence vient du fait que les calculs de Girman, contrairement à ceux de l’ALCA, tiennent compte du volume d’air à traiter. Dans les installations de Wolverton, chaque plante purifie en moyenne 0,5 m3 d’air. Donc, pour obtenir un bon rendement dans une maison standard, il faudrait utiliser le résultat de 340 m3 d’air/0,5 m3 d’air, soit 680 plantes. Si on suit les recommandations de l’ALCA, chaque plante aurait, non pas 0,5 m3 d’air, mais 23 m3 d’air (340 m3 d’air/15 plantes) à dépolluer.

Par ailleurs, il est difficile de comparer les résultats de Wolverton aux données utilisées pour évaluer l’efficacité d’autres méthodes d’enlèvement des polluants. Pour y arriver, il faudrait que l’indice d’efficacité soit converti en unité de masse par plante par heure. On sait par exemple que le taux d’extraction d’un système de ventilation pour une maison étanche est de 0,25 unité de masse de polluant à l’heure. À titre de comparaison, Girman a calculé qu’une plante avec un indice d’efficacité de 9/10, soit le meilleur résultat obtenu par Wolverton, aurait un taux d’extraction de 0,096 unité de masse de polluant à l’heure. Une ventilation adéquate serait donc 2,6 fois plus efficace qu’une plante.

Girman mentionne enfin que les expériences de laboratoire ne prennent pas en compte l’impact des polluants émis en continu et qu’il faudrait considérer les effets de la ventilation dans les expériences sur le terrain. Pour le moment, les spécialistes de l’EPA croient que le choix de matériaux sains, un bon entretien des systèmes de ventilation et une aération régulière demeurent les meilleurs moyens d’assainir l’air des bâtiments.

Le rôle des microorganismes

Dans un article de la revue scientifique Practical Asthma Review, Hal Levin, un confrère de Girman à l’EPA, fait mention d’une réalité rarement mise de l’avant, soit le rôle primordial des bactéries dans l’assainissement de l’air. Au départ, la plupart des chercheurs ont assumé que les polluants de l’air étaient absorbés par le feuillage pendant la photosynthèse. Mais lorsqu’on a voulu comparer la performance de plantes auxquelles on avait retiré les feuilles inférieures à des plantes témoins qui possédaient toutes leurs feuilles, on a obtenu, contre toute attente, de meilleurs résultats avec les plantes effeuillées. On a vite réalisé que ces résultats étaient liés à un meilleur contact entre l’air et les microorganismes du sol chez les plantes effeuillées.

Cette découverte venait appuyer ce que l’on savait déjà depuis un certain temps : la plupart des polluants sont dégradés par les bactéries. C’est d’ailleurs le pouvoir épurateur des microorganismes qui est mis à contribution dans les filtres biologiques, de plus en plus utilisés pour traiter les polluants et les odeurs provenant des usines de transformation alimentaire. On y fait passer l’air vicié à travers un substrat organique ou inorganique (mousse de sphaigne, fibre de noix de coco, sol, billes de PVC, etc.) contenant des microorganismes bénéfiques. Contrairement à ce qui se produit dans des filtres courants, les polluants ne s’accumulent pas dans ces systèmes. Les microorganismes les dégradent en composés simples, principalement de l’eau et du dioxyde de carbone (CO2).

Le Biowall : un immense filtre biologique

Le docteur Alan Darlington de l’Université de Guelph en Ontario s’est inspiré du principe des filtres biologiques pour élaborer le Biowall. Ce mur végétal est, d’une certaine manière, un système hydroponique à la verticale contenant des plantes et des microorganismes ayant des propriétés d’épuration. Une solution nutritive circule dans le substrat et nourrit les plantes. Les meilleurs résultats sont obtenus lorsque le Biowall est associé à un système de ventilation. Ainsi, l’air intérieur passe au travers du filtre biologique avant d’être redistribué dans l’édifice. Dans le Biowall, les plantes procurent un environnement favorable à la croissance des microorganismes tout en absorbant certains polluants tels le CO2. Le docteur Darlington a mis sur pied une entreprise (Nedlaw Living Walls) pour commercialiser son système. Une vingtaine d’institutions, surtout des universités, ont installé le Biowall dans des halls ou des cafétérias. Les recherches se poursuivent, et on a bon espoir de démontrer l’efficacité du système tant sur le plan sanitaire qu’économique. Les plantes n’ont donc pas dit leur dernier mot!

Quelques polluants de
l’air des maisons
Origine
FORMALDÉHYDE Panneaux de particules, agglomérés, mousses isolantes, tapis, textiles, colles, peintures, cosmétiques, tabagisme, photocopieurs.
BENZÈNE Carburants, tabagisme, produits de bricolage, meubles, produits de construction et de décoration.
TRICHLOROÉTHYLÈNE Produits de bricolage, meubles, tabagisme, peintures, vernis, colles, encres, tapis, insecticides, plastiques, isolants, détachants.
ACÉTONE Dissolvant à vernis à ongles, colles, peintures, solvants, isolants, textiles.

Source : Tableau largement inspiré du guide produit par l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et présenté en référence à la fin de cet article.

 

Texte adapté d'un article de Jean-Pierre Parent, Quatre-temps, vol. 36, no 4, Hiver 2013, pp. 39-41.