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Carnet horticole et botanique

Utriculaires (Utricularia)

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Utriculaire cornue (Utricularia cornuta) dans son milieu naturel, Québec
Photo : peupleloup
Utricularia cornuta

Les utriculaires risquent de décevoir les botanistes amateurs attirés par la curiosité de voir, lors d'une excursion en milieu naturel, une plante carnivore en pleine action, « avalant » sa victime. Le piège en question, l'utricule, atteint rarement un diamètre de plus de 3 mm, et ne capture souvent que des proies microscopiques. De plus, elles agissent sous l'eau et, enfin, la capture est très rapide, effectuée en 1/460e de seconde environ, rendant son observation absolument impossible sans des techniques très spéciales. C'est plutôt la connaissance de cette méthode de capture très raffinée qui suscite l'intérêt qu'on doit lui porter.

Slack (1979) estime à environ 250 le nombre d'espèces à l'intérieur du genre. Bien que la plupart soient aquatiques, il en existe plusieurs qui soient terrestres; dans ces cas, elles habitent des sols très humides, la présence d'eau étant nécessaire, entre autres, au fonctionnement des utricules. En milieu tropical humide, certaines espèces sont épiphytes. Les utriculaires ne possèdent pas de racine; leur fixation au substrat, s'il y a lieu, est souvent assurée par des rhizoïdes. La tige principale porte de fins rameaux fréquemment divisées. Les feuilles, lorsqu'elles sont présentes, sont généralement filamenteuses et difficiles à distinguer des tiges.

À l'intérieur du genre les feuilles présentent plusieurs modifications selon les espèces (Lloyd, 1942). Les utricules qu'elles portent proviendraient d'un segment de feuille modifiée. L'inflorescence est aussi très variable. Les fleurs, solitaires ou en grappes, sont bilabiées. Au Québec, on trouve 8 espèces d'utriculaires dont 7 sont strictement aquatiques, alors que Utricularia cornuta vit en milieu marécageux.

Le piège

L'utricule ressemble à une ampoule aplatie sur les côtés, attachée à la plante par un petit pédoncule inséré sur sa partie ventrale. Sur la partie amincie de cette ampoule se trouve un orifice fermé par une structure souple, à peu près circulaire, dont le demi-cercle supérieur forme la charnière. Sur les côtés de l'orifice se trouvent souvent 2 antennes ramifiées formant une sorte de tunnel qui a pour rôle de guider la proie vers l'entrée. Quelques longs filaments fixés au bas de la porte servent à déclencher l'ouverture de la trappe. En état de repos, l'utricule prend une forme globuleuse avec ses 2 côtés convexes. La porte est solidement fermée et l'étanchéité de la partie libre est assurée par un mucilage et par une membrane extérieure, le velum, qui est appuyé contre le seuil.

Le piège est amorcé par des glandes qui rejettent à l'extérieur de l'utricule une grande partie de l'eau qu'elle contient. L'utricule se déforme et les parois latérales s'enfoncent vers l'intérieur. Une succion se crée alors sur la porte, de sorte qu'elle est maintenue dans un équilibre précaire qui sera rompu par le moindre contact d'un objet étranger avec les filaments déclencheurs. Des glandes pédicellées situées sur la porte sécrètent un mucilage sucré qui attireraient les organismes aquatiques, dont la taille varie entre celle des protozoaires microscopiques et celle des larves de moustiques. Au moindre contact avec les filaments, la porte est immédiatement tirée vers l'intérieur par la succion.

Depuis Lloyd (1942), il est généralement reconnu que le déclenchement de l'ouverture par les filaments n'est qu'un phénomène physique. Néanmoins, certains chercheurs croient qu'il y aurait aussi la présence d'un stimulus électrique comme celui qui déclenche la fermeture des 2 « mâchoires » de la dionée (Sydenam, 1973). Une fois la porte ouverte, l'animal est entraîné vers l'intérieur avec la pénétration de l'eau. La succion étant relachée, l'utricule reprend sa forme globuleuse et la porte se referme. Pour réactiver le piège, l'eau est de nouveau expulsée par un système de glandes, alors qu'un autre sécrète des enzymes et absorbe les produits de la digestion.

Les espèces

Espèces à fleurs pourpres

Utricularia resupinata Greene

  • Nom commun : Utriculaire résupinée
  • Nom anglais : Inverted bladderwort
  • Description : Tige délicate, horizontale, portant des feuilles linéaires (longueur jusqu'à 3 cm). Il se distingue des autres utriculaires par une bractée tubuleuse qui entoure la hampe florale et par sa fleur à demi renversée (résupinée), ce qui lui donne un aspect très spécial.
  • Habitat : Eaux peu profondes et le long des berges
  • Distribution au Québec : Outaouais, Laurentides, Cantons de l'Est. Inclus dans la liste des plantes rares du Québec (Bouchard et al., 1981 et 1983).
  • Distribution mondiale : Est de l'Amérique du Nord, du Québec à la Floride

Utricularia purpurea Walter

  • Nom commun : Utriculaire pourpre
  • Nom anglais : Eastern purple bladderwort
  • Description : Plante submergée, souvent réunie en masse, formée d'une longue tige brunâtre, à ramification verticillée, sans feuille. La hampe florale, émergeant de 7 à 10 cm au-dessus de l'eau, porte une fleur rouge pourpre marquée de jaune à la base.
  • Habitat : Eaux stagnantes, lacs tourbeux
  • Distribution au Québec : Laurentides seulement. Inclus dans la liste des plantes rares du Québec (Bouchard et al. 1983).

Espèces à fleurs jaunes

Plantes terrestres

Utricularia cornuta Michaux

  • Nom commun: Utriculaire cornue
  • Nom anglais: Horned bladderwort
  • Description: Plante dont la hampe florale (3 à 30 cm), portant une grappe de 1 à 5 fleurs éperonnées, forme l'élément structural le plus important. Les utricules sont peu nombreux, portés par une tige horizontale sous-terraine très réduite.
  • Habitat: Tourbières humides, sables ou boues humides des rivages
  • Distribution au Québec: Général
  • Distribution mondiale: Amérique du Nord

Plantes aquatiques

Utricularia geminiscapa Benjamin

  • Nom commun : Utriculaire à scapes géminés
  • Nom anglais : Hidden-fruit bladderwort
  • Description : La tige (15 à 25 cm) porte, en plus des fleurs colorées de la hampe, un autre type de fleurs qui ne s'ouvrent pas (fleurs cléistogames), situées surtout à la base de la hampe. Les feuilles (jusqu'à 2 cm de long) sont à segments entiers.
  • Habitat : Mares et cours d'eau lents
  • Distribution au Québec : Outaouais, Abitibi, Laurentides, Cantons de l'Est, Bas-du-Fleuve et Côte-Nord, mais trouvé de façon très sporadique (Haber, 1979). Inclus dans la liste des plantes rares du Québec (Bouchard et al., 1981 et 1983).
  • Distribution mondiale : Amérique du Nord

Utricularia vulgaris Linné

  • Nom commun : Utriculaire vulgaire
  • Nom anglais : Greater bladderwort
  • Description : Tige horizontale (long. 30 à 100 cm), flottant juste sous la surface, quelquefois ramifiée. Feuilles très divisées à segments filiformes denticulés. Hampe insérée à l'intersection des ramifications, portant 3 à 8 fleurs.
  • Habitat : Eaux stagnantes, ruisseaux vaseux, marécages, lacs tourbeux
  • Distribution au Québec : Général
  • Distribution mondiale : Amérique du nord, Europe, Afrique du Nord, Asie, Sibérie

Plantes aquatiques à tiges rampantes sur la vase

Utricularia gibba Linné

  • Nom commun : Utriculaire à bosse
  • Nom anglais : Humped bladderwort
  • Description : Plante de petite taille portant des feuilles à segments capillaires non dentés. Hampe (3 à 10 cm) portant des fleurs bilabiées à lèvres presqu'égales.
  • Habitat : Lacs peu profonds et souvent tourbeux
  • Distribution au Québec : Outaouais, Mauricie, Laurentides, Cantons de l'Est, Côte Nord. Inclus dans la liste des plantes rares du Québec (Bouchard et al., 1981 et 1983).
  • Distribution mondiale : Amérique du Nord et centrale, Antilles

Utricularia minor Linné

  • Nom commun : Utriculaire mineure
  • Nom anglais : Lesser bladderwort
  • Description : Petite plante très semblable à U. gibba, s'en distinguant surtout par ses fleurs à lèvre inférieure beaucoup plus longue que la supérieure. Chaque feuille porte un utricule. La hampe (1 à 11 cm) porte de 2 à 7 fleurs (généralement 6).
  • Habitat : Rivages, eaux stagnantes peu profondes
  • Distribution au Québec : Général
  • Distribution mondiale : Amérique du Nord, Europe, Asie

Utricularia intermedia Hayne

  • Nom commun: Utriculaire intermédiaire
  • Nom anglais: Flat-leaved bladderwort
  • Description: Tige avec 2 types de ramification, une portant les utricules, l'autre les feuilles palmatiséquées et denticulées. Hampe (10 à 20 cm) portant jusqu'à 6 fleurs.
  • Habitat : Eaux stagnantes peu profondes
  • Distribution au Québec : Général
  • Distribution mondiale : Amérique du Nord, Europe, Asie

Références :

  • Bouchard, A., D. Barabé, M. Dumais et S. Hay. « Liste préliminaire des plantes vasculaires rares du Québec », Bulletin de la SAJIB, vol. 6, no. 2, 1981, p. 44-48.
  • Bouchard, A., D. Barabé, M. Dumais et S. Hay. Les plantes vasculaires rares du Québec, Syllogeus, no 48, 1983, 79 p.
  • Haber, E. « Utricularia geminiscapa at Mer Bleue and Range Extensions in Eastern Canada », Can. Field Nat, vol. 93, 1979, p. 391-398.
  • Lloyd, F.E. The Carnivorous Plants, Mass., Chronica Botanica Company, 1942, 352 p.
  • Slack, A. Carnivorous Plants, Mass., MIT Press, 1979, 240 p.
  • Sydenam, P.H. et G.P. Findlay. « The Rapid Movement of the Bladder of Utricularia sp. », Aust. J. Biol. Sci., vol. 26, 1973, p. 1115-1126.