- 11 Septembre 2023 - Jardin botanique : Le carnet du jardinier
La réponse dépend du pourquoi et du comment il est pratiqué. Il est évident qu’un jardin offre un milieu de vie plus diversifié pour la faune et la flore qu’une pelouse ou une piscine creusée. Par contre, en prenant du recul pour analyser les divers impacts de la pratique du jardinage, la question se pose.
En effet, jardiner nécessite l’utilisation de nombreuses ressources comme l’eau et les amendements. De plus, la tourbe de sphaigne, largement utilisée dans l’aménagement des jardins, provient de l’exploitation des rares et fragiles tourbières, entraînant ainsi leur perturbation. De nombreux produits de jardinage génèrent aussi des déchets plastiques : l’emballage des terreaux, les pots des semis ou encore les innombrables outils et décorations.
De manière plus subtile, l’horticulture est même parfois responsable de l’introduction et de la prolifération de plantes exotiques envahissantes comme cela a été le cas avec la renouée du Japon, et potentiellement la berce du Caucase. Récemment, on parlait du ver plat à tête de marteau (Bipalium adventitium) qui contient une toxine paralysante. Ce ver est soupçonné de voyager en se cachant dans le terreau des plantes.
Finalement, l’accès à un jardin est un privilège qu’il serait difficile d’accorder à l’ensemble de la population, car cela contribue malheureusement à l'étalement urbain au détriment des milieux naturels ou des terres agricoles.
N’y aurait-il pas une façon de mieux jardiner afin d’éviter que cela soit nuisible à l’environnement?
Appliquer les «3RV» au jardinage
Ce principe d’action stipule : la réduction à la source, le réemploi, le recyclage et la valorisation. À appliquer dans l'ordre, ces actions visent à mieux gérer nos matières résiduelles. Voyons quelques manières de les appliquer dans nos jardins afin de maximiser leur impact positif.
Réduire
Comme le dit si bien Béa Johnson, conférencière spécialiste du zéro déchet : « le meilleur déchet est celui qui n’existe pas. » Toute action permettant de réduire ce qui entre dans notre jardin nous permet de générer moins de déchets. Par exemple, la consommation d’eau peut être réduite par des techniques comme le paillage ou la collecte d’eau de pluie. Aussi, privilégier des outils et matériaux de qualité, même si le prix de base est plus élevé, est souvent synonyme de durabilité.
Réemployer
Le réemploi au jardin est un monde aux possibilités infinies. La réutilisation des contenants pour nos semis est un bon exemple alors que celle de matériaux divers permet de réaliser des aménagements paysagers originaux. J’inclurais ici le compostage domestique (fait à la maison) qui permet de valoriser nos déchets organiques. De plus, toute réutilisation des feuilles mortes ou débris végétaux dans notre jardin contribue à réduire l’achat de compost ou de paillis en sacs. Économique et écologique!
Recyclage et valorisation
Ces deux derniers concepts sont davantage liés à la collecte des matières résiduelles via le bac de récupération et le bac brun. Nos déchets sont ainsi transformés en d’autres produits ou sont exploités pour produire de l’énergie (par la biométhanisation, par exemple). De la collecte à la transformation, en passant par l’usine de tri, ces opérations sont coûteuses pour les municipalités et ont des impacts environnementaux. C’est pourquoi la réduction et la réutilisation sont à privilégier.
D’autres «R» pour aller plus loin
Voici d’autres «R» que nous pourrions ajouter afin de travailler à la fois les aspects techniques et le volet humain de nos jardins.
Réfléchir à notre façon de jardiner et se poser la question : est-ce réellement écologique et profitable pour la nature? Restaurer nos espaces verts pour ramener la biodiversité et réintégrer les espèces indigènes. Revoir l’esthétisme afin de tolérer l’imperfection et un peu de désordre essentiel à plusieurs formes de vie. Nous pourrions rallonger nos saisons de jardinage afin d’étirer les récoltes et attirer les pollinisateurs durant toute la saison horticole. Cela s’effectue en adaptant nos cultures pour obtenir des floraisons précoces et tardives ou encore en jardinant des légumes qui tolèrent des températures fraîches.
Nous pourrions aussi rapprocher la nature de nos communautés. S’y rassembler avec nos voisins permettrait de créer plus d'échanges. Il serait plus facile de se réjouir et s’égayer de la diversité de nos espaces verts afin d’y trouver du plaisir et de la connaître davantage. Aussi, nous pourrions mieux répartir l’accès aux espaces cultivables afin d’en faire profiter équitablement ses bienfaits à plus de gens. Enfin, réapprendre à jardiner dans le but de se réapproprier un lien avec la nature de manière collective tel qu'on le pratique dans les Jardins-jeunes au Jardin botanique.
Après analyse, il est pertinent de supposer que jardiner sans s’arrêter un instant peut s’avérer moins écologique qu’on peut le croire. Il est donc essentiel de remettre en question notre façon de jardiner. En appliquant le principe des 3RV, on peut diminuer notre empreinte écologique. Mieux, en réfléchissant aux moyens de faire une plus grande place à la biodiversité et en rapprochant la nature de nos milieux de vie, nos jardins deviendront des espaces encore plus accueillants pour la vie.